Entretien avec Nicolas Idier, écrivain, relais société civile - Culture pour Renaissance, le parti présidentiel.
Quelles seront vos premières mesures concernant la culture si Renaissance reste au pouvoir ?
Notre première action concernera le plan en faveur de la culture dans la ruralité. La consultation a permis de faire remonter un certain nombre de constats. Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas de désert culturel en France, mais une grande vitalité dans nos territoires grâce à l’engagement des élus, des bénévoles et des acteurs de terrain. Cependant, il y a de vraies marges de progrès sur la manière dont la ruralité est prise en compte dans nos politiques culturelles. Ce plan, qui devait être annoncé fin juin, est prêt : il comporte une vingtaine de mesures ambitieuses. Le plan veut apporter des réponses concrètes à l’enjeu de l’accessibilité de l’offre culturelle, par une plus grande mobilité des publics mais aussi des œuvres. Le plan reconnaît que la culture est en ruralité – plus encore qu’ailleurs – un service public à part entière, qui crée du lien social et ouvre des horizons, avec des moyens pour renforcer le service public de la culture dans ces territoires.
Notre deuxième action sera de lancer des états généraux de la création artistique (arts visuels et spectacle vivant), pour répondre à la fragilisation du secteur dans un contexte de crise économique. C’est seulement ensemble – partenaires publics et professionnels – que nous pouvons trouver les solutions pertinentes. L’État proposera aux collectivités de s’engager ensemble dans le cadre de contrats de territoire pour la création artistique, avec des engagements pluriannuels, plus sécurisants pour les acteurs culturels et notamment les lieux.
Notre troisième action : lancer un plan de soutien aux écoles d’art territoriales pour favoriser l’accès de tous à ces écoles, pour de meilleures conditions de vie étudiante et d’enseignement pendant le cursus, ou encore pour un renforcement de la professionnalisation des formations. Nous assurerons le financement de l’exonération des boursiers et nous alignerons le statut des enseignants des écoles d’art territoriales sur celui des écoles nationales. Aussi, une étude approfondie de chaque école permettra d’assurer une plus grande équité au niveau national en termes de financements alloués par l’État. Enfin, la mise en place d’une direction dédiée à l’enseignement supérieur culturel, au sein du ministère, permettra de mieux les accompagner dans leurs différents enjeux.
Ensuite, pour contribuer à changer le regard des Français sur l’art contemporain, nous voulons renforcer le réseau des artothèques, lieux extraordinaires de médiation qui permettent d’emprunter une œuvre pour chez soi comme on emprunte un livre à la bibliothèque. Une série de commandes publiques sera initiée dans les territoires au profit d’artistes accompagnés par des ateliers de production et des centres d’art. Une campagne nationale, conçue par les artistes, sera déployée pour éveiller la curiosité de tous pour l’art contemporain.
Enfin, nous souhaitons mettre en œuvre la volonté du président de la République de généraliser l’histoire des arts à l’école, mais aussi d’y faire entrer massivement le théâtre et de renouveler les enseignements d’arts plastiques et d’éducation musicale. Cette initiative, portée par le ministère de l’Éducation nationale, associera étroitement les acteurs culturels.
Comptez-vous renforcer le budget du ministère de la culture et le sanctuariser, au vu de la situation budgétaire actuelle de la France ?
Oui. Il faut d’abord rappeler que c’est cette majorité qui a augmenté le budget du ministère de la Culture de plus de 1 milliard d’euros entre 2019 et aujourd’hui, soit plus de 30 %. Cet engagement doit se poursuivre, car la crise économique frappe durement les secteurs culturels. Le budget du ministère de la Culture continuera donc d’être renforcé, pour répondre aux besoins légitimes des acteurs culturels.
Quels projets ou domaines seraient prioritaires si le budget était revu à la baisse, ce qui a été le cas en 2024 ?
Les annulations budgétaires de ce début d’année ont pu être gérées grâce à la mobilisation de la réserve de précaution, et le budget du ministère reste en hausse en 2024. Il y a eu des inquiétudes légitimes, mais dans les faits, quasiment aucun acteur n’a vu de baisse de son soutien. Des choix stratégiques ont été faits et sont assumés : pas un euro n’a été pris à la création artistique en région ; seuls les établissements nationaux les plus solides ont été mis à contribution, dans une proportion raisonnable et dans le cadre d’un dialogue pour maintenir les projets. Nos priorités sont claires – la création, le patrimoine, les industries créatives, et de manière transversale l’accès à la culture pour tous, notamment pour ceux qui en sont le plus éloignés. L’erreur serait ici de choisir un secteur contre un autre (le patrimoine contre la création par exemple). Avec nous, tous les secteurs culturels resteront protégés.
Allez-vous maintenir la fermeture totale du Centre Pompidou telle que prévue par l’actuel gouvernement ?
Le Centre Pompidou est un joyau de notre paysage culturel, mais c’est un joyau aujourd’hui menacé, tant les besoins de travaux sont devenus importants et pressants. Pendant des années, beaucoup ont regretté que l’État n’investisse pas pour rénover ce lieu majeur – y compris parmi ceux qui s’agitent aujourd’hui en sens inverse. Aujourd’hui, les conditions sont réunies, ne pas engager ces travaux serait une erreur historique. Pour les mener à bien le plus rapidement possible et dans le cadre d’un budget qui reste raisonnable, le bâtiment devra être entièrement fermé, mais pas l’institution « Centre Pompidou » : ses activités se poursuivront ailleurs à Paris, notamment au Grand Palais, mais aussi dans tout le pays, à travers une constellation de lieux et de projets. La ministre de la Culture est aussi extrêmement attentive à la situation des galeries parisiennes situées à proximité du Centre Pompidou. Elles proposent une offre culturelle complémentaire, en présentant le meilleur de la création contemporaine et des artistes encore méconnus. Ce nouveau contexte invite à imaginer de nouveaux liens entre le Centre Pompidou et son environnement. La ministre a demandé au musée national d’Art moderne qu’il puisse prêter des œuvres à certaines de ces galeries, pour que les collections nationales continuent d’habiter le quartier pendant la fermeture.
De quelle façon comptez-vous soutenir davantage la scène française de l’art contemporain ?
Cette scène est d’une vitalité exceptionnelle, mais elle reste fragile. Le premier effort visera donc le renforcement des moyens alloués aux lieux, notamment aux écoles d’art et aux centres d’art, réseau indispensable pour que la France demeure le pays des artistes, et que ces artistes irriguent nos territoires, nos vies. Nous voulons travailler avec les collectivités territoriales pour faire en sorte que le secteur des arts visuels soit davantage reconnu et soutenu, dans le cadre des contrats de territoire pour la création artistique évoqués plus haut. Alors que des élus sont tentés de reconsidérer leur soutien à la culture, il y a un véritable enjeu à affirmer la nécessité de l’art pour un territoire et ses habitants.
Cela implique notamment d’investir dans des dispositifs d’aide à la création. Nous voulons mettre la priorité sur les créateurs eux-mêmes et pas seulement sur leurs projets. Les résidences sont un des dispositifs clés pour nourrir un travail artistique et des liens avec des partenaires. Un plan national « résidences croisées » amplifiera les projets qui associent des acteurs complémentaires autour d’un lieu de création : un artiste et un commerçant, un artiste et un aménageur urbain, deux artistes de disciplines différentes, etc. En matière de résidences d’artistes à l’étranger, le ministère s’engagera dans un nouvel effort, en s’appuyant sur les dispositifs existants, pour promouvoir une nouvelle génération de la scène française à l’international.
Nous donnerons par ailleurs un nouvel élan à la commande artistique, en lien avec de grandes opérations comme le bicentenaire de la photographie en 2026, mais aussi l’évolution du 1 % artistique. Alors que son obligation n’est pas toujours respectée, une meilleure application en l’inscrivant dans les permis de construire pourrait générer davantage de fonds pour la création.
Enfin, nous nous attacherons à améliorer la situation des artistes-auteurs. Il est primordial de protéger et mieux rémunérer le droit d’auteur, notamment dans l’édition, le cinéma et l’audiovisuel, mais aussi dans les arts visuels. La rémunération du droit d’exposition doit être respectée, et sa contestation dénoncée. Nous continuerons de porter une vision forte de l’IA générative qui vienne au service des créateurs en protégeant leur propriété intellectuelle et en les accompagnant dans la mutation de leurs métiers, en proposant davantage de formations. Cela fait partie d’une panoplie de mesures destinées à soutenir la professionnalisation et la protection sociale des artistes-auteurs.