Sarah Sze : Pictures at an Exhibition
Avec une installation vidéo et quelques tableaux récents, Sarah Sze donne une nouvelle preuve de sa volonté de repenser les relations de la peinture et de l’image en mouvement. Décrite succinctement Pictures at an Exhibition (2023) est faite de deux rideaux de ficelles tendus du sol au plafond et qui se croisent en leur milieu. Sur chacun de ces rideaux sont fixés des rectangles de papier de formats divers disposés de manière à dessiner deux cercles éclatés. Sur les deux écrans de papiers ainsi constitués défilent plusieurs séquences filmées. Les plus longues sont des mosaïques d’images qui montrent des petites actions quotidiennes ou des paysages et des phénomènes naturels, mélange de scènes filmées par l’artiste et d’images trouvées. D’autres séquences montrent une scène unique ou bien une simple couleur. Aux murs et sur le sol, les morceaux de papier projettent des rectangles noirs entourés d’un halo de lumière. Le cinéma expérimental rencontre la galerie de peintures avec une ponctuation sonore envoûtante. Aux visions d’un monde d’écrans hyperconnecté, elle répond par un travail sur la matière-image.
Les tableaux exposés dans la vitrine et au premier étage insèrent de nombreux fragments d’images photographiques déchirées qui trouvent leur prolongement dans la peinture, voire se confondent avec elles. Ce sont des œuvres furieuses, comme peintes dans la tempête. Voulant dépasser les limites du tableau, Sarah Sze a fait éclabousser le sol par la peinture des murs et ces taches semblent prolonger les nombreuses coulures blanches qui strient la toile.
Du 25 juin au 28 septembre 2024, Gagosian, 4, rue de Ponthieu, 75008 Paris
Laurent Le Deunff : Whatever This May Be
Une massue herculéenne de 2,50 mètres dressée à la verticale, seule au milieu de la pièce, comme le symbole de la sculpture ; telle est la vision inaugurale dans l’exposition de Laurent Le Deunff. Elle est en ciment mais imite le bois, comme une grande partie des œuvres de l’exposition. Cette pièce avec sa base cylindrique, sorte de monument pour jardin de banlieue, ne laisse rien présager de ce qui nous attend dans la deuxième salle. Là, un large ensemble de sculptures, de moyennes et petites dimensions, sont exposées sur des podiums blancs comme une parodie de présentation muséale. Au son de l’eau que déverse une fontaine représentant un blaireau au-dessus d’un tronc d’arbre évidé, nous sommes confrontés à des animaux et des choses. Ces dernières, ce sont aussi bien des pièges de trappeurs en bûches que des os pour chien en marbre. Laurent Le Deunff brouille les distinctions entre objet ethnographique, art folklorique et grand art. Les sculptures en ciment portent le nom de ce qu’elles représentent tandis que les sculptures en bois ont pour titre l’essence dans lesquelles elles ont été créées. Ainsi, Chêne montre un pied humain surmonté d’une tête de chouette et posé sur un fort volume de bibliothèque, ou Buis un nez troué comme une flûte et surmontée d’une souris. Se glissent dans cette faune onirique des jeux formels et des considérations sur le rapport de la sculpture et du socle.
Les podiums forment une banquise où choses et animaux méditent (et nous invitent à le faire avec eux) sur l’autonomie de l’œuvre d’art et le sentiment d’étrangeté et de solitude qui s’y attache.
Du 22 juin au 17 août 2024, Semiose, 44, rue Quincampoix, 75004 Paris
Hamish Pearch : Do not throw trash into the pond
Hamish Pearch pratique un art fait de petits riens et d’allusions chiffrées, de trouvailles poétiques (jusque dans les titres) avec un sens du display et un goût du détail qui savent capturer l’attention. Pour exposer une partie de ses créations, il a fait dessiner deux longues tables en acier inspirées des plateaux de douane sur lesquelles on doit parfois ouvrir ses valises. Ce sont de petites sculptures en bronze : des grenouilles porte-encens mais aussi des compositions filiformes. Parallèlement à ces pièces, l’artiste présente un ensemble de vitrines (murales le plus souvent) en contreplaqué et vitres de plexiglas. À l’intérieur sont disposées différentes choses, aussi bien des boules noires, que des formes végétales, que des chapeaux de champignon en plâtre teintés de bleu, et différentes images légendées de nature scientifique. Par esprit d’à-propos et intérêt pour le banal, se sont glissés deux tickets de restaurants parisiens, ou du moins leur reproduction sur aluminium. Hamish Pearch aime aussi couler dans le bronze argenté ou doré des cacahouètes, noix de cajou ou chewing-gum mâchouillés. On voit quelques-uns de ceux-ci sur des châles indigo où ils dessinent des étoiles. Au terme de ce voyage psycho-cosmologique, on découvre deux grandes tasses siamoises. Elles sont emplies d’une eau qui tourbillonne, et leur tient compagnie une ultime boule noire, petite comme un fruit, sur une feuille végétale en bronze. Mais c’est déjà une autre histoire.
Du 6 juin au 18 juillet 2024, (sans titre), 13 rue Michel Le Comte, 75003 Paris
Marion Verboom : Da Coda
Marion Verboom a entamé en 2016 la série des Achronies. Il s’agit de colonnes de hauteurs variables constituées de formes cylindriques (ou ayant une base circulaire) du même diamètre qu’elle empile pour former des enchaînements plastiques. Leur inspiration vient des totems mais aussi des carottes de forage, avec l’idée que chaque élément est un prélèvement dans le temps et dans la pensée. Quatre nouvelles Achronies s’offrent à nous pour un exercice de lecture tubulaire. Fort logiquement, on s’attarde sur celle qui repose sur une figure Janus unissant le visage de Virginia Woolf et celui de Simone de Beauvoir. Au-dessus de cette tête pensante, un tronc humain d’une belle teinte marbrée tient contre lui un cylindre, puis viennent deux pieds sortant d’un cube de couleur argent et ensuite un cylindre mauve d’où sortent des roues dentées d’horlogerie. Dominant le tout, on voit un tronçon de flûte traversière avec ses clefs d’une couleur bronze patiné. On trouve une variante du tronc d’homme et de son cylindre et une autre du mécanisme d’horlogerie sur une autre sculpture. Cette reprise de motifs élargit notre lecture verticale vers une réflexion sur le temps et sur l’autoréférentialité avec une inquiétude légère ; la femme à la bûche n’est pas très loin.
Dans des œuvres de petites tailles, Marion Verboom interprète des thèmes de la statuaire et de la sculpture moderne en mêlant différents matériaux avec préciosité et drôlerie.
Du 16 mai au 29 juin 2024, Galerie Lelong & Co., 38 avenue Matignon, 75008 Paris