Il y a trente ans mourait l’artiste, acteur et cinéaste Derek Jarman (1942-1994). Militant pour les droits des homosexuels, le Britannique a influencé, et continue d’influencer, toute une génération d’artistes.
En 1987, Derek Jarman faisait l’acquisition d’une maison de pêcheur victorienne, juste en face de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), à Dungeness, dans le Kent. Sur la plage de galets, avec vue sur une centrale nucléaire – un décor qui a su séduire l’œil iconoclaste du cinéaste – se dresse la silhouette en bois noir de Prospect Cottage, où Derek Jarman a vécu les sept dernières années de sa vie, quand il n’était pas à Londres. Les fenêtres d’un jaune éclatant font écho au jardin multicolore que l’artiste a transformé en véritable œuvre d’art et qui, après sa disparition, est devenu un lieu de pèlerinage pour les étudiants en art, les architectes ou les paysagistes.
« MAISON D’ÉVASION »
L’intérieur de la cabane était quant à lui gardé à l’abri des regards par d’épais rideaux installés par son compagnon Keith Collins, lequel décède en 2018. La publication de l’ouvrage Prospect Cottage. La Maison de Derek Jarman permet enfin d’y pénétrer. Les images capturées par Gilbert McCarragher, un photographe local et ami du couple, offrent un aperçu inédit de la manière dont Derek Jarman percevait le monde à travers cette habitation, à propos de laquelle il écrivait, dans son journal, en 1990 : « Prospect Cottage est la dernière d’une longue série de “maisons d’évasion” que j’ai commencé à construire enfant, au bout du jardin : des maisons faites d’herbes, de tontes parfumées qui devenaient lentement brunes et acides; des châteaux de sable; une cabane en gazon, à peine assez grande pour se retourner; une autre faite de ferraille et de brindilles, échouée sur des champs gelés. » Cette créativité pure, dont l’enfance nous fait cadeau, se retrouve dans les différentes pièces de Prospect Cottage, où les tableaux dialoguent avec des installations composées de galets ou de branches de bois. Après une introduction de Didier Lestrade, les photographies nous dévoilent le lieu pièce par pièce. Gilbert McCarragher les accompagne de textes, racontant ses souvenirs et révélant l’histoire de cette dernière cabane devenue l’ultime autoportrait de Derek Jarman, une métaphore de son monde intérieur.
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Prospect Cottage. La Maison de Derek Jarman, photographies de Gilbert McCarragher, Londres, Thames & Hudson, 2024, 192 pages, 29,95 euros.