Les J.O. de Paris approchant à grandes foulées, l’« Olympiade culturelle » concomitante amorce son tour de chauffe. À preuve, l’exposition « MATCH : Design et sport, une histoire tournée vers le futur » déployée au musée du Luxembourg, à Paris, et réunissant 150 objets, prototypes et maquettes, dessins, photographies et films, pièces originales, ainsi qu’une multitude d’applications interactives. Comme son titre le suggère, la présentation regarde moins vers le passé que franchement vers l’avenir, même si le Louvre a réalisé, pour l’occasion, un moulage du Discobole. Le parcours est l’œuvre du designer allemand Konstantin Grcic, à la fois commissaire de l’exposition et scénographe. « Le sport est un sujet qui me passionne depuis toujours. En réalité, lorsque j’étais enfant, cette discipline a été mon premier enseignement au design. Je m’intéressais à la fois au matériel et à l’équipement, tous deux tournés vers la performance. Je ne suis pas un historien du design, ni un expert en sport, mais je suis néanmoins resté, depuis cette époque, un fieffé observateur de ce domaine, raconte Grcic. Pour cette exposition, il n’y avait pas de cahier des charges. Nous avons bénéficié d’une entière liberté ». Et cela se ressent, autant dans la scénographie, dynamique et efficace, que dans le propos très ouvert. « J’ai voulu que la thématique aille beaucoup plus loin que le simple fait d’exhiber des objets, explique le designer. Il est notamment un domaine qui va croissant dans la réflexion sur le sport de demain, c’est la "datafication" (de data, « donnée numérique », NDLR). Les données numériques, c’est souvent abstrait. Nous avons néanmoins réussi à les inclure dans la présentation, car elles représentent aujourd’hui un élément essentiel de l’univers du sport ».
Pas de panique donc, si, en préambule, on se retrouve directement face à une réplique du fameux Discobole de Myron, symbole ô combien classique de « l’athlète idéal », quoique déjà un brin défaillant, tant il est couvert de straps antidouleur. Celui-ci sera rapidement chahuté par l’incroyable robot humanoïde Atlas créé par Boston Dynamics, le plus avancé au monde actuellement, à la beauté certes moins parfaite, mais qui, lorsqu’il fait ses pirouettes comme le montre un film, pourrait devenir un nouveau « super-héros ».
L’exposition explore à la fois tous types de sport – de rue (skateboard, streetball), extrêmes (trois films relatent vol en wingsuit, escalade escarpée et plongée en apnée) –, mais aussi toutes les dimensions : sociales, sociétales, médicales, politiques, économiques, culturelles, etc.
Avec ses formes organiques s’inscrivant en douceur dans le paysage, le stade olympique de Munich, construit pour les J.O. de 1972 – les premiers, en Allemagne, après ceux de Berlin, en 1936, sous propagande nazie – intègre des idéaux de démocratie. En regard, l’œuvre Temporary Autonomous Zone de l’artiste Didier Faustino, plateforme surélevée aux dimensions d’un ring, matérialise un espace politique dans lequel acteur et spectateur arborent le même statut.
Le sport touche évidemment des questions de genres – une réplique du premier soutien-gorge de sport (JogBra), conçu avec deux bretelles élastiques de jogging ! –, de handicap – fauteuil roulant de rugby en aluminium aéronautique –, d’émancipation et égalité des droits – l’athlète aborigène Cathy Freeman, médaille d’or du 400 m féminin aux J.O. de Sydney en 2000. Pour la première fois, pour Paris 2024 donc, les pictogrammes – dessinés par l’agence W Cie – ne seront pas genrés, mais davantage inclusifs.
Améliorer ses capacités est évidemment l’objectif majeur de l’athlète. Une cimaise truffée d’équipements l’évoque, depuis une chaussure de ski du designer Roger Tallon pour Salomon (1979) jusqu’à ce prototype de raquette de tennis imprimé en aluminium 3D (studio All Design Lab, 2022). En 1986, le designer allemand Luigi Colani, lui, était un précurseur lorsqu’il « sculptait » cette moto aérodynamique à l’allure organique Egli-Kawasaki, où l’homme et la machine ne font qu’un, et qui battit le record du monde de vitesse sur 10 km départ arrêté.
Les développements actuels de la technologie vont dans ce sens, avec l’aide des imprimantes en 3D. Ainsi, ce casque en élastomère pour le rugby ou le football américain, ce stupéfiant ballon de basket micro-imperforé et ses poignées d’épée ou de carabine de biathlon, avec parties additives imprimées à la morphologie exacte de l’utilisateur/trice. Bref, le champ est vaste, a fortiori avec l’intelligence artificielle. Même la conception des jeux virtuels de demain ou du « e-Sport » – sport électronique – s’en repaît. Ainsi, un algorithme de génération de texte a analysé les règles et descriptions de 400 sports existants pour créer un nouveau jeu, le Speedgate (2019), mix de football, rugby et… de croquet.
Signe des temps : en regard du croquis original des cinq anneaux olympiques, signé Pierre de Coubertin lui-même, flotte le Refugee Nation Flag, drapeau créé par l’artiste Yara Saïd, orange et barré d’une ligne noire – en référence aux gilets de sauvetages –, sous lequel la première équipe d’« athlètes-réfugiés » a participé aux J.O. de Rio, en 2016, mais qui n’avait pas eu le droit d’être brandi à la cérémonie d’ouverture, le comité international olympique ayant refusé.
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« MATCH : Design & sport - une histoire tournée vers le futur », jusqu’au 11 août 2024, Musée du Luxembourg, 19, rue de Vaugirard, 75006 Paris