Il fut un temps où aucune fondation privée n’existait en France, où l’offre artistique n’émanait que des institutions publiques. Le paysage a bien changé, dynamisée ne serait-ce qu’à Paris par la Fondation Louis-Vuitton, la Fondation d’entreprise Pernod Ricard et beaucoup d’autres. D’ici quelques années s’installera à Caen une autre Fondation, celle de Jean Claude Gandur [la Fondation Gandur pour l’Art], dont la collection avait été exposée en 2022 à la Fondation Maeght, à Saint-Paul de Vence.
Cette dernière n’est autre que la pionnière en la matière, et cette année 2024 est marquée par le 60e anniversaire de sa création, puisqu’elle fut inaugurée le 28 juillet 1964. Le lieu a rayonné grâce aux œuvres de quelques-uns des artistes les plus importants du XXe siècle, d’Alberto Giacometti, Marc Chagall, Fernand Léger, Alexander Calder à Joan Miró, Eduardo Chillida et Georges Braque… Sous les pinèdes, l’exceptionnelle architecture conçue par Josep Lluís Sert est devenue iconique. Aussi, quand la structure a commencé à réfléchir à s’agrandir pour présenter en permanence la collection chassée des cimaises par les expositions temporaires, l’équation est apparue particulièrement ardue. Comment construire une extension sans dénaturer cette architecture-sculpture ? « J’ai eu cette volonté d’avoir une approche très silencieuse, explique l’architecte Silvio d’Ascia, qui a été choisi pour conduire ce délicat projet. Je pense qu’aujourd’hui, dans le monde actuel, il faut aussi savoir, de temps en temps, se mettre un peu en retrait. Nous avons travaillé sur cette extension par soustraction. C’est-à-dire que nous avons creusé la terre ».
De l’extérieur, les nouvelles surfaces tout justes inaugurées sont de fait totalement invisibles, se déployant en sous-sol principalement sous la cour Giacometti. Le visiteur découvre d’abord la salle Marion et Guy Nagger consacrée à la bibliophilie et aux livres de peintres. Puis il descend par un grand escalier dans une immense salle de 390 m2 qui offre un éclairage naturel grâce à sa grande surface vitrée de 13,5 mètres de large. Dans cet espace qui peut aussi accueillir conférences et concerts sont accrochés pour cette inauguration des œuvres de Fernand Léger, Ellsworth Kelly, Hans Hartung, Joan Mitchell, Simon Hantaï, Pierre Soulages, Jean Dubuffet… Deux plus petites salles complètent cette extension qui permet à la Fondation Maeght de disposer désormais de 65 % d’espace en plus. Elle offre à l’institution de désormais pouvoir travailler sur une double temporalité, présentation permanente et exposition temporaire. Cet anniversaire est d’ailleurs fêté avec « Amitiés, Bonnard-Matisse », un parcours conçu par la commissaire Marie-Thérèse Pulvenis de Seligny qui met en parallèle l’œuvre des deux artistes, ponctué de salles monographiques, comme celle consacrée aux nus de Bonnard ou celle déployant les compositions de Matisse réalisées dans le contexte de la Chapelle du Rosaire de Vence, qu’il considérait comme l’« aboutissement » de son œuvre. Cette exposition s’accompagne d’un ensemble de spectacles, concerts et lectures, qui firent la renommée des lieux dès les années 1960. Pour fêter dignement les 60 ans de la fondation !