La 15e édition du festival de photographie de Deauville Planche Contact se déroulera du 19 octobre 2024 au 5 janvier 2025. Elle se donnera pour objectif « une vraie réflexion sur les territoires », selon Laura Serina, directrice de l’événement, en s’appuyant sur des résidences mises en place dans l’ensemble de la Normandie. En effet, les travaux de vingt photographes, issus de ces résidences, seront présentés cette année à Deauville, notamment aux Franciscaines, lieu culturel ouvert il y a trois ans. Y sera présentée l’exposition « Le siècle des vacances. De la villégiature au tourisme de masse », sous le commissariat de Laura Serina, qui dévoilera des photographies issues de la collection de la Fnac, partenaire de cette édition. Sur la plage, l’artiste invitée, Dominique Issermann, proposera l’exposition « Niveau Zero ».
Trois types de résidences ont été mis en place. La première concerne des photographes invités en résidence de création. L’artiste franco-canadienne Coco Amardeil a travaillé sur un abécédaire normand en photographie reproduit sous la forme de posters qui seront envoyés dans les écoles de la région. L’Italien Alessandro Calabrese développe un travail sur le sens et l’utilité des images par le biais d’archives. La Française Sara Imloul s’appuie sur la théorie de la mémoire de l’eau, et « défend l’idée que l’eau serait capable de conserver et transporter des informations pour toujours », comme l’explique l’artiste. Le Français Julien Mignot rend hommage au 7e art outre-Atlantique à l’occasion du 50e anniversaire du Festival du Cinéma Américain de Deauville. L’artiste roumaine Patricia Morosan s’est concentrée sur les falaises des Vaches Noires, près de Villiers-sur-Mer, et sur la mémoire des pierres qu’elle fait parler. Le Français Richard Pak procède à un dédoublement, où il est à la fois photographe et « voleur d’îles ». La Franco-uruguayenne Bettina Pittaluga présente un projet personnel autour du lit, avec des portraits enveloppés d’intimité. Phillip Toledano travaille avec l’intelligence artificielle, et considère que notre « relation à l’image a complètement changé », participant à « l’élasticité de l’histoire ». Enfin, Huang Xiaoliang représente le quotidien des habitants de Deauville.
Autre résidence, celle soutenue par la Fondation Photo4food. « Chaque année, quatre bourses de résidences sont offertes à des photographes pour qu’ils produisent un travail autour de la Normandie, qui sera exposé durant toute la durée du festival, explique Virginie Goy, cocréatrice de la fondation. Le week-end inaugural, une vente aux enchères des photos est organisée, dont les bénéfices sont entièrement reversés à la Croix Rouge locale ». Les artistes de cette résidence sont l’Espagnol Joan Alvado, qui a travaillé sur les traces des Vikings en Normandie ; Sophie Alyz, qui articule son travail autour du recul du trait de côte, à savoir la manière dont la mer « mange » la côte ; Éric Bouvet, qui est parti à la rencontre des citoyens – dans le cadre de son projet « Tour de France » commencé il y a sept ans et pour lequel un livre sera édité – qui livrent une narration « aux antipodes de certaines chaînes de télévision » sur ce qu’est être Français ; et enfin Corinne Vachon qui s’est penchée sur les métiers artisanaux susceptibles de disparaître, dans un « devoir de mémoire ».
La dernière résidence, intitulée Tremplin Jeunes Talents, se consacre à la création émergente dans la photographie. L’Italien Nicola Fioravanti s’est intéressé au « beige Deauville », notamment utilisé par la Maison Chanel, et à l’architecture du Havre ; la Française Cloé Harent travaille sur l’infiniment petit dans l’infiniment grand ; le Français Maximilien Schaeffer a exploré la notion de présence. Toujours dans cette catégorie, la Nigériane Rachel Seidu a souhaité documenter la communauté queer et noire de Deauville ; et la Danoise Marie Wengler a traité des parallèles entre les langues danoise et française, et sur une supposée origine viking commune.
« Cette année, nous sommes sur une sorte de frontière, à la lisière entre le réel et l’imaginaire, la réalité et la fiction, l’intime et la réalité du monde. Cette édition porte un questionnement permanent sur la confrontation des cultures, des regards. C’est une zone d’inconfort qui me tient à cœur dans une période d’une gravité extrême. Il est important d’avoir un espace de liberté ; on résiste à la violence du monde avec une volonté de rester ensemble et de ne pas voir de frontières entre les gens. Les espaces de tolérance, d’échanges et de partage sont précieux aujourd’hui. Il faut aider les photographes à produire dans une période qui n’est pas si facile », conclut Laura Serina.