Lancée en 2005, la Biennale d’Anglet s’est intitulée jusqu’à cette année La Littorale, le projet s’étendant en effet sur les 4,5 kilomètres de ce bord de mer, riche de nombreuses plages réputées pour le surf. La manifestation opère cette année un tournant sous la houlette de son commissaire invité, Didier Arnaudet, qui avait déjà conçu les opus de 2007 et 2013. Cette 9e édition prend le simple nom de Biennale d’Anglet et se déploie sur trois sites : la Villa Beatrix Enea et la Galerie Pompidou, en centre-ville, et La Barre, lieu où se rencontrent l’estuaire de l’Adour et l’océan Atlantique. « Cette exposition est en trois temps, presque trois mouvements et trois lieux. Ils forment ensemble comme un univers et un territoire autour de la ville d’Anglet, nous explique Didier Arnaudet. Pour moi, il s’agit de donner une cohérence à des choses qui apparaissent très différentes mais qui sont liées par l’idée de déambulation, par l’idée du paysage, par l’idée de la peinture. À un moment donné, l’histoire de l’art est une association d’étapes. Nous avons ici une étape plutôt historique, une autre en lien avec un présent, une scène émergente, et la troisième résultant de la confrontation au paysage, de son appropriation ».
Le premier temps prend une dimension muséale et historique, à la Villa Beatrix Enea, avec l’exposition « Probité de l’image ». Ce parcours est un hommage à l’engagement artistique et au travail d’écriture de Jean Frémon, qui dirige la galerie Lelong & Co. Ce dernier publie en parallèle à cette exposition un ouvrage du même titre, édité par L’Atelier contemporain avec le soutien de la Biennale d’Anglet, réunissant des textes sur la majorité des artistes ici exposés. Chacun dispose d’un espace monographique, de Kiki Smith dans le hall de cette ancienne demeure bourgeoise, à Sean Scully, Antoni Tàpies, Jannis Kounellis, Richard Tuttle, dans les salles du bas parfois ponctuées de sculptures de Jaume Plensa ; en haut sont exposés Etel Adnan et Richard Tuttle. Œuvres anciennes et récentes alternent dans ce bel accrochage.
L’ambiance est tout autre juste en face, dans le récent bâtiment accueillant la Galerie Pompidou, inauguré en 2023 avec une exposition de Daniel Buren. Cette fois, il s’agit d’un ballet à trois orchestré par les jeunes artistes Io Burgard, Mathilde Denize et Chloé Royer. Les œuvres de ces artistes femmes respectivement nées en 1987, 1986 et 1989 initient un riche dialogue dans une présentation scénographiée qui combine leurs œuvres. Même si chacune développe un travail singulier, les proximités de formes et de sens font évidence, notamment dans leur travail sculptural qui évoque l’art moderne avec une dimension surréaliste, tout en s’inscrivant dans des problématiques très actuelles. Les artistes convoquent tour à tour la céramique, le verre, le plâtre, le cuir, dans des pièces en volume qui prennent des aspects anthropomorphiques. Ces œuvres dialoguent avec les peintures déconstruites de Mathilde Denize, huiles sur toile aux accents parfois cubistes.
Le changement d’horizon est total sur le dernier site de la Biennale d’Anglet, à La Barre. Sur le bord de l’Adour, Kevin Rouillard a disposé 80 sculptures réalisées à partir de 1 000 bidons, qui deviennent sur les 160 mètres de cette esplanade comme autant de touches de couleur impressionnistes. Plus loin, Jennifer Caubet a aménagé une Agora délimitée de façon subtile par des drapeaux portés par des mâts et deux bancs aux dimensions inhabituelles, puisqu’ils s’étendent sur six mètres. Si MBL architectes propose un crib aux dimensions industrielles un peu décalé, Flora Moscovici offre une dernière couche colorée à la biennale en recouvrant le chemin entourant et menant au Bouquet de Mathieu Mercier, installé ici en 2013, d’un dégradé de couleurs chaudes rappelant le coucher du soleil. Éclatant !
Trois lieux, trois ambiances. « C’est vraiment ces trois propositions, qui en fait n’en constituent qu’une seule, qui est la signature de cette 9e édition de la Biennale », conclut Didier Arnaudet.
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« Biennale d’Anglet », du 6 juillet au 19 octobre 2024, La Barre, Galerie Pompidou et Villa Beatrix Enea, 64600 Anglet