C’est sous quelques gouttes de pluie vite dissipées que la foire Art Athina s’est ouverte jeudi 19 septembre en centre-ville d’Athènes. La manifestation, qui a fêté ses 30 ans l’an dernier, se distingue d’abord par son cadre exceptionnel. Non pas un énième hall d’exposition en bordure de la ville, mais une somptueuse demeure néoclassique, le Zappeion, qui donne à la foire son plan en croix si unique autour d’un atrium circulaire bordé de colonnes, un édifice entouré des jardins du palais royal. Pour le galeriste d’origine grecque Renos Xippas (qui dispose entre autres d’un espace à Paris), ce lieu « magique » au sol marbré et « pas assez exploité par l’État grec » a fait beaucoup pour donner un nouvel élan à la foire après des années plus compliquées. « Art Athina a connu une période très internationale, avec une dizaine de galeries européennes et notamment françaises importantes, mais la crise grecque a ramené la foire à partir de 2009 à un marché plus local, explique-t-il. Elle a connu ensuite des lieux peu commodes, compliqués, en changeant cinq ou six fois d’emplacement ». Il semble bien qu’Athènes, et par conséquent Art Athina, fasse l’objet d’un redémarrage dynamique. « Le rebond a été aussi fort qu’avait été la crise, les prix de l’immobilier ont été multipliés par trois ou quatre, de nouvelles entreprises se sont lancées ou installées ici… », détaille Renos Xippas. Revenue l’an dernier avec succès, sa galerie a apporté des pièces, entre 15 000 et 95 000 euros, de Farah Atassi, Lionel Estève, Pablo Reinoso, Vik Muniz ou Mathieu Cherkit, dont il a vendu une peinture dès l’ouverture à un Grec ! De NEON au EMST [musée national d’art contemporain], le maillage des centres d’art et musées consacrés à l’art actuel s’est aussi étoffé dans la capitale grecque…
Organisée par une association de galeristes, la foire maintient des tarifs doux pour les exposants, ce qui incite nombre de jeunes enseignes à participer sans grande prise de risque. Hormis quelques galeries très établies comme Xippas ou Bernier/Eliades – qui propose notamment une œuvre de Jonathan Meese à plus de 50 000 euros –, les prix des pièces sur la foire restent plutôt abordables. Pour sa première participation, la Galerie LJ (Paris) a ainsi misé sur des reliefs de Luján Pérez, à 5 000 euros, et des peintures faites à partir de teintures naturelles d’Allyson Mellberg, à 650 euros. « Si je rentre dans mes frais, je serais déjà contente, précise Adeline Jeudy. J’ai commencé à avoir des collectionneurs grecs à distance, et j’ai ensuite aimé le bouillonnement créatif d’Athènes né sur les ruines de leur économie. Pour moi, c’est un peu le nouveau Berlin ou le nouveau Barcelone, avec de plus en plus d’artistes qui s’y installent ».
Placée à l’entrée de la foire, The Breeder, de Londres, a accroché les miroirs parodiant les couvertures du magazine Vogue, transformé en « Vague Beauty » de l’artiste Olga Migliaressi-Phoca, affichés à 20 000 euros. Son artiste Panos Profitis a remporté le prix du meilleur artiste décerné à la foire et bénéficiera d’une exposition muséale à Thessalonique. Plus légère, la galerie Sylvia Kouvali expose un grand ensemble sériel de dessins colorés d’un jeune homme de 70 ans amoureux des femmes en bikinis, Thanasis Totsikas, à 6 000 euros pièce, artiste « plus connu pour ses crucifixions et ses œuvres géométriques », explique la galerie.
Le directeur général d’Art Athina, Antonis Kourkoulos, ambitionne de développer l’audience internationale de la foire, tant du côté des visiteurs que des galeries (un peu moins de vingt sont étrangères cette année). Seuls 7 exposants sur 71 n’étaient pas là l’an dernier, un signe que l’événement se renforce doucement. Reste à consolider cet élan, tout en gardant cette fraîcheur qui distingue Art Athina des méga-foires. Si des visiteurs asiatiques, américains et européens – nombre d’entre eux disposent de plus en plus d’un pied à terre dans le pays –, dont la Française Denise Vilgrain accompagnée de Manuel Valls et de son épouse passés visiter la foire, les Grecs restaient majoritaires…
Art Athina 2024, jusqu’au 23 septembre 2024, Zappeion, Athènes.