De la photographie à la vidéo, Noémie Goudal (née en 1984) a fait de l’image son support de prédilection. Celle-ci n’est jamais montrée de manière directe. Elle s’intègre à des installations, souvent capturées de nouveau à travers l’objectif, avant d’être présentées au spectateur dans des dispositifs usant d’illusions d’optique : « Je me plais à explorer les possibilités et les doutes d’une image. » Les doutes d’une image sont également ceux de la science. L’artiste française diplômée du Royal College of Art, à Londres, s’est très tôt intéressée aux angles multiples par lesquels observer le paysage et ses métamorphoses, afin de le voir « non pas juste pour ce qu’il est physiquement, mais aussi par ce qu’il a éprouvé pour être ce qu’il est maintenant ». Cette approche l’a amenée à se tourner vers la recherche scientifique, et plus particulièrement la paléoclimatologie, une des grandes sources de son œuvre. Cette discipline lui permet de confronter différentes temporalités : celle de la lente évolution des paysages, étalée sur plu- sieurs millénaires; et celle, à notre échelle, de la construction de l’image et de ses illusions. Plis de papier ou morceaux de Scotch, les techniques dévoilent les gestes qui ont donné naissance à ses installations pour « laisser les traces du temps de la construction à l’intérieur même de l’image ».
Au Centre Pompidou, l’artiste propose un triptyque mêlant photographie et vidéo, autour de cette thématique des temporalités géologiques du paysage. L’espace s’ouvre sur un mur métallique portant une nouvelle présentation de son œuvre Rocks (2022). Ce cliché d’un rocher exploré par un faisceau lumineux est une référence à la météorite ayant touché la Terre il y a plus de 65 millions d’années, un cataclysme qui anéantit la vie et plongea la planète dans l’obscurité d’une poussière d’iridium. Derrière ce mur, deux vidéos inédites se répondent. Supra Strata donne à voir un décor nocturne de jungle et de rochers qui, au contact d’une chute d’eau, semble fondre comme du plastique, se désagrégeant bloc par bloc et évoquant l’apparition de la première strate « humaine » qui a marqué la naissance de l’Anthropocène. Grand Vide rappelle quant à elle la faille actuellement en formation à l’est de l’Éthiopie, à l’origine du nouvel océan qui devrait naître dans quelques millions d’années, scindant le continent africain en deux.
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Prix Marcel Duchamp 2024, l'exposition, du 2 octobre 2024 au 6 janvier 2025, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris.