S’il n’est pas vraiment rare sur le marché – plus de 11000 de ses œuvres tous médiums confondus ont été proposées aux enchères depuis sa mort en 1986 –, la place qu’y occupe Joseph Beuys est difficile à cerner. Pour un artiste
internationalement reconnu, présent dans tous les grands musées du monde (le Centre Pompidou, à Paris, possède une cinquantaine de ses œuvres, dont l’une des plus importantes, Infiltration homogen für Konzertflügel [Infiltration homogène pour piano à queue], réalisée en 1966), sa cote reste relativement en dessous de celles des plasticiens d’après-guerre qui ont profondément marqué, comme lui, l’histoire de l’art. Son record au marteau reste Tisch mit Aggregat (table avec accumulateur, 1958/1985), sculpture vendue par Sotheby’s Londres en 2012 pour 750 000 euros frais compris.
L’HISTOIRE D’UN PARTENARIAT
Il sera donc particulièrement intéressant d’observer les résultats de la première vente aux enchères totalement dédiée à l’artiste conceptuel allemand organisée par Sotheby’s France, pendant Art Basel Paris, le 17 octobre 2024. Toutes les œuvres en vente proviennent de la collection de Jörg Schellmann, son ami, collaborateur et éditeur. «En 1970, mon associé de l’époque, Bernd Klüser, et moi-même lui avons rendu visite, nous confie Jörg Schellmann. Joseph Beuys s’est révélé très accessible et moins étrange que nous l’avions imaginé. À partir de cette rencontre, j’ai commencé à travailler sur le catalogue raisonné de ses multiples, une relation étroite et une collaboration active se sont alors mises en place. » On peut néanmoins s’étonner du choix de Paris pour vendre ces quelque trente sculptures, pièces uniques ou multiples, photographies et dessins, tant les relations de l’artiste avec le milieu artistique parisien étaient tendues. « C’est un joli clin d’œil, résume Eddie Hautchamp, chef du département Art contemporain chez Sotheby’s France. S’il y a eu des erreurs de son vivant, la France s’est largement rattrapée depuis 1994 et l’exposition monographique qui lui a été consacrée au Centre Pompidou. De plus, Paris est redevenue l’une des villes les plus attractives pour le monde de l’art, il est donc tout à fait logique de présenter cette vente ici, pendant Art Basel Paris. »
Cette vacation semble raconter une histoire, celle du partenariat entre Joseph Beuys et Jörg Schellmann. « Elle dépeint notre processus de collaboration de 1970 à sa mort en 1986, souligne en effet ce dernier. Les œuvres proposées sont des fragments, des prototypes, des variations de multiples ou des pièces uniques qui ont intégré ma collection grâce à ma complicité avec [Joseph] Beuys, à nos nombreux tête-à-tête et à nos fructueuses conversations. » Parmi les œuvres mises à l’encan : Badewanne für eine Heldin (Baignoire pour une héroïne), sculpture réalisée deux ans avant la mort de l’artiste et produite à huit exemplaires (estimée entre 250 000 et 350 000 euros); Doppelobjekte (Objets doubles), une de ses célèbres vitrines dont on attend entre 200000 et 300 000 euros ; ou encore la fameuse Drei Honiggefäße mit Kupferklammer (Trois Pots de miel avec pince en cuivre) qui est estimée entre 80 000 et 120 000 euros.
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« Joseph Beuys : The Schellmann Collection », 17 octobre 2024, Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris.