Intitulée « Tous les voyageurs ne parcourent pas les routes / De l’humanité comme pratique » (« Not All Travellers Walk Roads – Of Humanity as Practice »), la prochaine Biennale de São Paulo invite à imaginer un monde dans lequel l’accent est mis sur nos dimensions humaines à un moment où l’humanité nous fait littéralement défaut. Le titre s’inspire de la poétesse afro-brésilienne Conceição Evaristo et de son poème Du calme et du silence.
Selon le commissaire en chef de cette Biennale, Bonaventure Soh Bejeng Ndikung (assisté des co-commissaires Alya Sebti, Anna Roberta Goetz et Thiago de Paula Souza, et du co-commissaire général Keyna Eleison), « à une époque où les humains semblent avoir, encore une fois, perdu le contrôle de ce que signifie être humain, à une époque où l’humanité semble avoir perdu du terrain sous ses pieds, à une époque de crise sociopolitique, économique et environnementale aggravée à travers le monde, il nous semble urgent d’inviter les artistes, universitaires, militants et autres acteurs culturels ancrés dans un large éventail de disciplines à se joindre à nous pour repenser ce que l’humanité pourrait signifier et conjuguer l’humanité ».
Cette édition est structurée comme un projet de recherche qui se déploie à travers trois axes : la revendication de l’espace et du temps, en cherchant à ralentir et à prêter attention aux détails et aux autres êtres qui constituent notre environnement ; remettre en question ce que nous voyons lorsque nous nous regardons et regardons les autres, en nous confrontant aux barrières et aux frontières de nos sociétés ; aborder les espaces de rencontres qui reflètent la colonialité, ses structures de pouvoir et leurs ramifications dans nos sociétés d’aujourd’hui. L’histoire du Brésil, marquée par la fusion des peuples autochtones, Européens et Africains asservis, est imprégnée d’asymétries de pouvoir qui persistent encore. Dans cette optique, la Biennale explorera la manière dont les cultures et les sociétés gèrent ces différences et créent de nouveaux chemins de coexistence et de beauté.
Par ailleurs, cette édition de la Biennale s’accompagne d’un changement historique dans l’organisation de l’événement puisqu’elle sera prolongée de quatre semaines supplémentaires et présentée gratuitement au public du 6 septembre 2025 au 11 janvier 2026 afin d’élargir davantage la portée de l’exposition, permettant ainsi au plus grand nombre de visiteurs d’en profiter pendant la période des vacances scolaires.
La Biennale démarre ses initiatives dans le monde entier dès le mois prochain, avec les « Invocations », une série de conférences, ateliers et performances dans quatre villes différentes du monde. Tout d’abord « Souffles : sur l’écoute profonde et la réception active à Marrakech les 14 et 15 novembre 2024 à l’espace Le18 et à la Fondation Dar Bellarj, dirigée par Laila Hida et Maha El Madi. Puis viendra « Chanceler, mais ne jamais tomber ! »aux Abymes en Guadeloupe du 5 au 7 décembre 2024. Ce sera ensuite au tour de « Mawali —Taqsim : Improvisation comme un espace et une technologie de l’humanité » à Zanzibar en Tanzanie en février 2025. Et enfin à Tokyo en mars 2025 avec « La vallée étrange ou je serai ton miroir ». Ces rencontres agiront comme des affluents, convergeant vers le corps principal de la Biennale de São Paulo. Un affluent important sera la Casa do Povo (« La maison du peuple »), à São Paulo, un centre culturel qui revisite et réinvente les notions de culture, de communauté et la mémoire. Il accueillera un programme de performances développé par Benjamin Seroussi (directeur artistique de la Casa do Povo) et Daniel Blanga Gubbay (directeur artistique du Kunstenfestivaldesarts).
Confié au studio berlinois Yukiko, le concept visuel de la 36e Biennale de São Paulo s’inspire quant à lui « de l’idée de l’humanité en tant que pratique, mettant l’accent sur l’interdépendance, l’empathie et la coexistence créative », précisent les organisateurs. Et d’ajouter : « S’inspirant de l’axe curatorial du son et du mouvement manguebit, l’identité visuelle est fondée sur les ondes sonores polyphoniques et la série harmonique, symbolisant le chevauchement de fréquences des expériences humaines. Ces ondes sonores représentent l’idée que l’humanité est en constante évolution et remodelage au fil des rencontres, à l’image de l’estuaire, où de multiples mondes se rencontrent et se mélangent. Cette manifestation visuelle renforce le message central de la Biennale : grâce à une écoute intentionnelle et une réflexion profonde, nous pouvons réimaginer l’humanité comme un être vivant et un exercice de respiration. »