L’artiste Éric Rondepierre est mort le 2 novembre 2024, a annoncé Isabelle Gounod, dont la galerie parisienne le représente. « Je remercie Éric, sans notre rencontre en 1991, je n’aurais très certainement pas pris la décision il y a vingt ans d’ouvrir une galerie, pour accompagner les artistes… Il nous a quittés entouré de ses enfants, Aube, Alexis et Raphaël, ainsi que de leurs mères, Marie, Colette et moi-même. Ses obsèques ont été célébrées dans l’intimité, le 13 novembre 2024. Il repose au cimetière du Père-Lachaise à Paris », a précisé la galeriste.
Né en 1950 à Orléans, diplômé des Beaux-Arts de Paris (dessin, gravure), de l’université Panthéon-Sorbonne (Arts plastiques et esthétique) et de Paris VII (Littérature comparée), Éric Rondepierre était agrégé d’Arts plastiques et titulaire d’un doctorat en Esthétique. Il a soutenu sa thèse sur Les Yeux verts de Marguerite Duras (Paris I), sa maîtrise d’Arts plastiques porte sur le théâtre de S.I. Witkiewicz (Paris I, 1976) et son DEA de Littérature comparée sur L’image écrite (Paris VII, 1983). Il a été professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne – Centre Saint-Charles, de 1996 à 2015.
Comédien professionnel, il a travaillé avec des metteurs en scène de théâtre (Pierre Chabert, Le Théâtre d’En face, Bruno Meyssat) et des chorégraphes (Mathilde Monnier, Alain Rigout, Grands Magasins, Catherine Diverres et Bernardo Montet). Il a réalisé un court-métrage, des performances, et plus tardivement, entre 1985 et 1990, des peintures. Au début des années 1990, il s’est intéressé au dispositif cinématographique, recherches pour lesquelles il reste le plus connu.
« Éric Rondepierre aimait à dire qu’il explorait les "angles morts" du cinéma, découverts en visionnant des films étrangers sous-titrés sur un magnétoscope au début des années 1990, prélevant tel un archéologue les "accidents" de la pellicule, des photogrammes, constituant les premières séries de ses images noires (série Excédents) qui appartiennent au matériau filmique, mais dont seul le sous-titre apparaît encore sur fond noir, rappelle Isabelle Gounod. Il s’amusait de la relation qu’il établissait entre le titre du film et un sous-titre "accidentel" prélevé dans l’obscurité de son logement, J’adore la campagne, photogramme extrait du film Manhattan de Woody Allen, J’éteins ? Non..., en visionnant Le Voyeur de Michael Powell… ».
Les génériques des films, à « l’arrêt sur image », feront la matière de sa série Annonces. D’autres séries, Précis de décomposition, Moires, Les trente étreintes, seront inspirées des fragments de pellicules de films nitrates, produits entre 1890 et 1950, abîmés, découverts notamment dans les archives des cinémathèques, du MoMA à New York, de la Librairie du Congrès à Washington ou encore de la George Eastman House à Rochester.
Dès la fin des années 1990, ses séries Dyptika, Suites, Moins X, sont réalisées « en coupant la pellicule et en cadrant l’entre-deux images, tentative de reconstitution d’un événement, d’une fiction dont il ne reste que la partie inférieure de l’une et la partie supérieure de l’autre ». Son intérêt se porte aussi sur la diffusion numérique des films, les dysfonctionnements de l’image dans DSL - Désolé de bousculer vos lignes, F & D, F.I.J. Sa dernière série Background fait du décor, habituellement en arrière-plan, le personnage principal du film.
Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections privées et publiques, au MoMA à New York, au Houston Fine Arts Museum, au Los Angeles County Museum of Art, à la Cinémathèque française, à la MEP – Maison européenne de la photographie, au Cnap – Centre national des arts plastiques, à la BnF – Bibliothèque nationale de France, à la Société française de photographie ou encore au musée national d’Art moderne – Centre Pompidou, à Paris.
Outre des textes accompagnant ses séries plasticiennes, Éric Rondepierre a publié des romans, parmi lesquels La nuit cinéma (Éditions du Seuil, 2005) et Laura est nue (Éditions Marest, 2020).
« Les pièces d’archives cinématographiques étaient pour lui une matière brute, à partir de laquelle il concevait des œuvres originales exposées dans le monde entier », a salué la ministre de la Culture, Rachida Dati.