Voir Cezanne dans les paysages qu’il a regardés et peints. Comprendre comment il a interprété, transposé la nature et joué avec les ombres et la lumière de son pays natal : tel est le propos de l’événement exceptionnel consacré au peintre aixois de juin à octobre 2025. Car même s’il a fait de fréquents séjours à Paris, Cezanne n’a eu de cesse, sa vie durant, de revenir à Aix-en-Provence où il est né (en 1839) et où il s’est éteint (en 1906), face à la montagne Sainte-Victoire. C’est à Aix, au Jas de Bouffan, une vaste bastide du XVIIIe siècle achetée par son père, qu’il peint ses premières œuvres à l’âge de 20 ans et c’est là, dans la propriété familiale entourée de vignes et de vergers, qu’il réalisera ces peintures inestimables que sont par exemple le Portrait de Madame Cezanne (1883-1885), aujourd’hui au musée de Philadelphie, Les Joueurs de cartes (1899-1895), appartenant au musée d’Orsay, ou son fameux tableau des grandes baigneuses désormais accroché à la Fondation Barnes.
Intitulée « Cezanne au Jas de Bouffan », l’exposition présentée au musée Granet à Aix réunira quelque 130 œuvres (peintures, dessins, aquarelles) réalisées partiellement ou entièrement dans la propriété familiale entre 1859, année où le peintre commence à y travailler, et 1899, quand il doit quitter les lieux, quarante ans plus tard. L’originalité de l’exposition, après celles que l’on a pu voir sur différents thèmes (« La Sainte-Victoire », « Madame Cezanne », « Les Dernières années », « Les Portraits », etc.) tient au fait que, créées dans cette demeure et cette Provence où le peintre puisait son inspiration, les œuvres se « reconnaissent entre elles », de la même façon qu’à l’intérieur des toiles chaque point a connaissance de tous les autres. Le projet n’est donc pas de présenter la plus grande exposition Cezanne (elle eut lieu au Grand Palais à Paris en 1995), mais d’offrir un parcours constitué de tableaux parmi les plus beaux du Maître et couvrant pratiquement l’ensemble de sa carrière. Ainsi, à côté des chefs-d’œuvre prêtés par les musées français, Orsay en tête, figureront plus d’une quarantaine d’œuvres venant des États-Unis, et quantité d’autres venues du Japon, de Suisse, du Canada…
Mais, le caractère exceptionnel de « Cezanne 2025 » repose aussi sur l’ouverture pour la première fois de ce lieu cezanien par excellence qu’est le Jas de Bouffan, appelé à devenir la « Maison de Cezanne » et à accueillir le Centre cézanien de documentation et de recherche sur le peintre au terme des travaux de restauration entrepris par la Ville. D’ores et déjà, le public est invité à découvrir l’été prochain les décors que le jeune Cezanne a réalisés sur les murs du Grand Salon, soit neuf vastes panneaux directement peints sur les plâtres puis transférés sur toile. Or, à la grande surprise des historiens qui pensaient tout savoir sur ces compositions, des sondages effectués il y a à peine six mois sur les parois viennent de révéler un nouveau fragment de peinture, inconnu jusque-là. Ces cinq mètres carrés pourraient remettre en question les certitudes acquises concernant le premier panneau peint par Cezanne au Jas de Bouffan.
Autre lieu emblématique de Cezanne, l’atelier des Lauves, situé au-dessus de la ville et lui aussi restauré, permettra de passer un moment en immersion dans l’intimité de sa création. Enfin, le réaménagement des carrières de Bibémus sera l’occasion pour le visiteur d’arpenter le célèbre site à l’origine des vingt-huit tableaux de l’artiste représentant la montagne Sainte-Victoire. S’ajoutent à ce programme foisonnant deux expositions documentaires, l’une au musée du Vieil Aix, l’autre au Pavillon Vendôme. Et en septembre 2025 sera organisé un grand colloque témoignant de l’ambition scientifique de cette célébration majuscule du père de la modernité.
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« Cezanne au Jas de Bouffan », du 28 juin au 12 octobre 2025, Musée Granet, place Saint-Jean de Malte, 13100 Aix-en-Provence. Commissariat général de Bruno Ely, conservateur en chef, directeur du musée Granet ; Commissairiat scientifique de Denis Coutagne, président de la Société Paul Cezanne, conservateur en chef du patrimoine, ancien directeur du musée Granet