Au soir de son élection en 2017, Emmanuel Macron avait choisi la Pyramide du Louvre pour décor symbolique de ses débuts de chef de l’État. Le président de la République était de retour au sein du musée ce 28 janvier, sous le regard « inqualifiable » de La Joconde, pour annoncer le plan « Louvre – Nouvelle Renaissance », destiné à rénover la prestigieuse institution. « Le Louvre, c’est le symbole du président qui travaille à protéger et transmettre l’éternel français », communique l’Élysée. « Restaurer le Louvre après Notre-Dame permettra au "monarque" de laisser sa trace. C’est politiquement bien vu », juge un sénateur LR. « Emmanuel Macron veut épater la galerie », ironisait de son côté Libération avant son intervention. Isolé depuis la dissolution, le chef de l’État jupitérien cherche à relancer son mandat. En volant au secours du musée parisien, il se place dans le temps long et entend redorer son blason d’homme providentiel, sauveur du fleuron des musées hexagonaux.
Le 22 janvier, Le Parisien a révélé une note confidentielle adressée le 13 janvier par la présidente-directrice du musée du Louvre, Laurence des Cars, au ministère de la Culture, faisant état de « la multiplication d’avaries dans des espaces parfois très dégradés » et « d’espaces qui ne sont plus étanches quand d’autres connaissent d’inquiétantes variations de température, mettant en danger la conservation des œuvres ». Pointant « la réalité sévère de l’état de nos bâtiments trop sollicités », dont beaucoup « arrivent à un niveau d’obsolescence » – la Pyramide conçue par l’architecte Ieoh Ming Pei, inaugurée en 1988, serait « structurellement dépassée » –, sa présidente avait déjà alerté sur l’état du musée, sa vétusté et la saturation, plaidant pour de « grands travaux ».
Laurence des Cars déplore également dans sa note le manque d’espace « permettant de faire une pause » : « L’offre alimentaire ou les sanitaires sont en volume insuffisant, largement en deçà des standards internationaux. La signalétique doit être entièrement repensée. » Afin de désengorger l’accès principal, situé sous la Pyramide, elle a préconisé l’installation d’une entrée supplémentaire du côté de la Cour carrée.
Première femme nommée en 2021 à la tête du musée le plus visité au monde – 8,7 millions de visiteurs en 2024 –, elle a proposé en avril 2024 de déplacer La Joconde dans une salle dédiée aux œuvres de Léonard de Vinci afin de fluidifier les parcours de visite et mettre en valeur le chef-d’œuvre énigmatique, joyau inestimable du musée, admiré par 20 000 visiteurs chaque jour. « De l’avis de tous, la présentation de La Joconde en salle des États doit être interrogée. Élevée au statut d’icône, Mona Lisa exerce une fascination qui ne s’est pas démentie au fil des décennies. Conséquence de cette ferveur populaire, le public afflue en nombre dans la salle des États sans que lui soient données les clefs de compréhension de l’œuvre et de l’artiste ; interrogeant par là même la mission de service public du musée », écrit-elle dans sa note.
Revenant sur les conditions d’accueil, Laurence des Cars a déclaré à l’AFP le 23 janvier : « Visiter le Louvre constitue une épreuve physique : accéder aux œuvres prend du temps et n’est pas toujours chose aisée. Le visiteur ne dispose d’aucun espace lui permettant de faire une pause. L’offre alimentaire ou les sanitaires sont en volume insuffisant (et) la signalétique doit être entièrement repensée ».
En introduction au discours d’Emmanuel Macron, sa présidente-directrice a rappelé que le Louvre doit recevoir aujourd’hui deux fois plus de visiteurs qu’il y a 35 ans, le modèle du Grand Louvre initié par François Mitterrand devant être questionné pour mieux les accueillir. « Le Louvre accompagne notre récit national. Et depuis que l’ancien palais des rois s’est fait musée de la Nation, il demeure fidèle à sa vocation universelle. Il est un musée monde, faisant dialoguer cultures et civilisations à travers neuf départements de conservation, parcourant 9 000 ans d’art et d’histoire. […] Le Louvre, s’il veut demeurer une référence, a le devoir de s’interroger sur ce que sera sa place dans l’avenir de ce siècle. Il nous revient d’imaginer un nouveau musée, de tout mettre en œuvre pour que le Louvre d’aujourd’hui ne soit pas celui d’hier, mais bien celui de demain et d’après-demain », a-t-elle déclaré.
Accompagné notamment de Rachida Dati, la ministre de la Culture, et d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, Emmanuel Macron a détaillé devant La Joconde le projet « Louvre – Nouvelle Renaissance ». Promettant un projet « réaliste et financé », le président de la République a dévoilé la création d’une nouvelle entrée au niveau de la colonnade de Perrault, afin de « rééquilibrer la façon de visiter le Louvre et le rouvrir aux Parisiens et aux Parisiennes », mais aussi de « repenser toute l’esplanade » et « revitaliser et irriguer tout le quartier, de l’Institut au Pont-Neuf, de la Samaritaine à la Bourse de Commerce – Pinault Collection et la future Fondation Cartier, dessinant une nouvelle carte du tendre culturelle sur une histoire déjà solidement ancrée ». Ce nouvel accès reprend un projet d’André Malraux. Un concours international d’architecture sera lancé d’ici la fin 2025, pour un chantier livré en 2031.
L’axe Est-Ouest sera aussi repensé avec la création de nouveaux vastes espaces souterrains sous la Cour carrée, reliés à ceux situés sous la Pyramide, afin de donner naissance à la « nouvelle épine dorsale du Louvre », avec des espaces d’accueil et pédagogiques, des salles d’exposition, de nouveaux parcours. L’ouverture des salles de la Cour carrée permettra de redéployer l’accrochage des collections.
Last but not least, « la création d’une nouvelle salle sous la Cour carrée doit permettre d’exposer La Joconde dans un espace particulier, accessible de manière autonome, et doté pour cette raison d’un titre d’accès propre, dans des conditions d’exposition apaisées. Les conditions de visite de la Grande Galerie en seront améliorées. » Les infrastructures du palais seront également rénovées, de l’accessibilité aux personnes handicapées aux aspects logistiques et techniques, prenant en compte les défis actuels, de la numérisation au changement climatique. L’objectif est d’accueillir 12 millions de visiteurs et 900 000 scolaires chaque année.
Dans un contexte de forte dégradation des finances publiques, et alors que le président n’a plus la main sur le budget, plusieurs pistes sont avancées pour financer ce grand plan. « Ce projet sera financé par les ressources propres du musée, les billetteries, le mécénat, la licence du Louvre Abu Dhabi, sans peser sur le contribuable », a précisé le chef de l’État.
Le coût du vaste plan de rénovation du musée est évalué à environ 700 à 800 millions d’euros sur une dizaine d’années, dont seule une « part très minoritaire » sera financée par l’État, selon l’entourage présidentiel. Le ministère de la Culture participera à hauteur de 10 millions d’euros.
Une tarification différenciée entrera en vigueur au 1er janvier 2026, avec des billets d’entrée plus chers pour les touristes étrangers non-membres de l’Union européenne – une option déjà évoquée par la ministre de la Culture. Le mécénat devrait apporter sa pierre à l’édifice, mobilisant des ressources auprès de donateurs privés et de grandes entreprises, à l’exemple des 846 millions d’euros de dons ayant permis la reconstruction de Notre-Dame de Paris en cinq ans. LVMH serait notamment pressenti pour participer à cet effort national pour le chantier de rénovation du musée.
Enfin, le président de la République a souhaité que le Louvre soit associé au projet d’enseignement de l’histoire de l’art à l’école, avec notamment la formation des enseignants, dont le musée serait le vaisseau amiral. Ce projet « Louvre – Nouvelle Renaissance » doit être une nouvelle étape pour l’art et sa transmission, mais aussi dans la vie de la Nation, a déclaré Emmanuel Macron. Avant de conclure : « Notre Louvre est déjà un musée monde. Ce que nous sommes en train d’inventer collectivement, c’est de permettre d’avoir ici une compréhension d’un monde où les cultures se respectent ; qui, nourri par l’art, sa transmission, sort de sa brutalité pour retrouver cet esprit de civilisation. »