Le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía de Madrid, institution espagnole centrée sur l’art des XXe et XXIe siècle, a enrichi sa collection de 470 nouvelles œuvres, démontrant ainsi son engagement en faveur de la parité hommes-femmes et de la diversité raciale. Plus de la moitié des pièces acquises sont réalisées par des femmes et une proportion importante par des artistes issus de milieux ethniques sous-représentés. Nombre d’entre eux sont de jeunes artistes prometteurs dont les œuvres ne sont pas encore entrées dans les manuels d’histoire de l’art.
Une centaine d’œuvres ont été achetées par le musée au cours de l’année dernière, le ministère espagnol de la Culture ayant financé l’achat près de 140 pièces et environ 160 ont été données par des galeries, des artistes et des collectionneurs. La Fondation du musée Reina Sofía, qui gère les partenariats culturels et encourage la participation du public aux travaux du musée, a apporté 80 autres œuvres, pour la plupart des dons. Les acquisitions représentent un investissement total de près de 8 millions d’euros.
Ce nouvel ensemble précède l’inauguration prévue en mars 2026 d’un accrochage permanent actualisé illustrant l’histoire de l’art de la fin des années 1970 à nos jours. « Nous préparons de nouveaux récits, explique Manuel Segade, directeur du musée, à The Art Newspaper. Cela nécessite de raconter de nouvelles histoires de l’art de différentes manières, c’était donc le moment idéal pour inclure un grand nombre d’artistes plus jeunes et des figures moins courantes. »
Parmi les nouvelles œuvres, 56 % sont réalisées par des femmes artistes, contre 37 % des pièces acquises en 2022. Selon Manuel Segade, cela permettra de mettre en conformité la collection avec la loi espagnole de 2007 sur l’égalité des sexes, qui oblige les autorités publiques à promouvoir les femmes dans la culture et stipule qu’au moins 40 % des candidats aux élections doivent être des femmes. Le directeur estime qu’aujourd’hui moins de 20 % des œuvres de la collection ont été réalisées par des femmes, ajoutant qu’il espère que la proportion serait plus proche de 40 % dans dix ans. Parmi les acquisitions figure La marquesa de Alquibla (1928) d’Ángeles Santos.
En moyenne, le musée Reina Sofía enrichit sa collection riche de 25 000 œuvres, dont seulement 6 à 8 % sont habituellement exposées, d’environ 300 numéros chaque année, explique Manuel Segade. Parmi les acquisitions de l’année dernière, figurent des œuvres créées lors de la période dite de transition de l’Espagne des années 1970, avec de nouvelles sculptures de Sergi Aguilar, des structures gonflables de Josep Ponsatí et du pop art de Carme Aguadé, ainsi que des artistes espagnols contemporains tels que Joan Morey et Rubén Grilo. Rejoignent aussi la collection des pièces de l’artiste espagnol afro-descendant Rubén H. Bermúdez, du Colombien Miguel Ángel Rojas et le collage Mitológicas 2 (2023) de l’artiste indigène amazonien Denilson Baniwa.
Selon Manuel Segade, la sélection de nouvelles œuvres ne doit pas être perçue comme « woke ou féministe », mais comme un moyen de s’assurer que la collection représente mieux l’évolution de l’art contemporain. « Ce n’est pas en raison des intérêts du musée, mais de la nature même de l’art contemporain, explique-t-il à propos des acquisitions. L’art contemporain est impossible à comprendre sans la présence des questions de genre ou des communautés racialisées. »
Les dons privés, dont beaucoup proviennent de collectionneurs latino-américains, ont favorisé le dialogue et « ouvert la collection à de nouvelles directions », explique Manuel Segade, lequel ajoute que le musée a « fait le pari » de miser sur des artistes en devenir. « Les artistes les plus jeunes sont le plus grand pari, car nous acquérons des œuvres de personnes qui ne deviendront peut-être pas des grands noms, poursuit-il. Une œuvre qui ne sera plus aussi importante dans 20 ans le restera en tant qu’instantané du moment. » Et d’ajouter : « Si les artistes sont autorisés à échouer, les institutions devraient l’être aussi. »