Le Crédit municipal de Paris se dépoussière. La vénérable institution de prêt sur gage, dont l’origine remonte au XVIIe siècle, ne ressemble plus guère à « ma tante », surnom provenant de l’alibi utilisé par les jeunes gens ayant perdu au jeu, qui s’y rendaient pour combler momentanément leurs dettes... Grâce au département CC Art, elle a modernisé ses services en les adaptant au XXIe siècle... et aux besoins variés des détenteurs d’œuvres d’art. « Nous accompagnons le collectionneur pour le prêt et le stockage de son œuvre, mais aussi l’authentification ou la restauration, explique le directeur Nicolas Chwat, à propos des dispositifs « muséaux ». CC Art se distingue du Crédit municipal par des prêts plus élevés, 100 % de récupération des œuvres et une typologie de clients particuliers qui ont besoin de trésorerie pour un projet. » Ainsi, des magasins de stockage sont organisés par typologie de médiums, les locaux comprenant des salons de présentation d’œuvres.
Un système vertueux
Le principe ? Pour une pièce évaluée (à un instant T) entre 20 000 euros et plusieurs millions d’euros, ce sont 50 à 66% de la valeur de l’objet ou du tableau qui sont prêtés à son propriétaire. Le tout au taux d’emprunt de 5,3 % tout compris, d’un an reconductible. Et l’on peut interrompre l’opération à tout moment. Le prêt est remboursable in fine avec les intérêts. Si la valeur de l’œuvre évolue, le montant du prêt peut parfois être reconsidéré.
Ces services, réservés aux résidents français, attirent les profils les plus variés : « Un couple avait acheté un très beau [Pierre] Soulages dans les années 1970, mais voulait se lancer dans une collection d’art contemporain émergent, raconte Nicolas Chwat. Le prêt gagé sur le Soulages a servi pour la mise de fonds. » Il cite encore : « Une vieille famille française, qui souhaitait restaurer son château, a déposé son orfèvrerie. » Quand pour d’autres, « la rapidité du prêt est appréciée pour un achat immobilier », lorsque le candidat est déjà engagé sur des prêts bancaires par exemple. « Nous rencontrons également des professions récurrentes comme les producteurs de cinéma qui ont besoin d’une mise de fonds pour rassurer les créanciers », précise le directeur de CC Art. Toutefois, si la capacité d’emprunt est à son maximum, une démarche de due diligence (contrôle préalable) est réalisée en amont de la décision.

L’art lending chez CC Art, une activité en plein développement.
© Photo Aurélia Blanc
En toute discrétion
Selon Nicolas Chwat, alors que les banques se montrent généralement plus frileuses pour accorder des prêts classiques, le dépôt de nouveaux dossiers a bondi récemment : il était de 214 pour l’année 2023, nombre atteint dès le 1er juillet 2024 ! « Les taux de crédits classiques vont se relâcher un peu, mais le marché de l’art est plus compliqué, observe le directeur. Le prêt que nous fournissons permet d’apporter de l’argent frais en attendant des jours meilleurs, sans vendre pour autant son œuvre. Par capillarité, le ralentissement du marché a un effet positif sur nos activités. » Autre (gros) avantage : la discrétion. « Nous ne sommes pas une maison de ventes, notre vocation n’est pas de vendre. Le marché ne sera donc pas au courant du prêt ni de quoi il s’agit... » Tout juste apprend-on qu’une petite peinture de Jean-Michel Basquiat ou un Pablo Picasso ont déjà été gagés, ainsi que de nombreuses œuvres de maîtres anciens. Un acteur a même déposé son César en toute discrétion !
Ce sont 227 millions d’euros de prêts qui étaient en cours au 31 décembre 2024 auprès de CC Art (œuvres au-delà de 40 000 euros, pour un total évalué à près de 50 millions d’euros) et du Crédit municipal, la valeur globale des productions déposées étant largement supérieure. Les bénéfices engrangés grâce aux prêts de haut niveau permettent de financer les tout petits prêts, « un système vertueux », résume Nicolas Chwat. Le Crédit municipal procède ainsi à des effacements de petites dettes pour les pièces déposées depuis plus de vingt ans, dans une démarche d’aide au désendettement. Contrairement aux services concurrents proposés par des banques privées, de grandes maisons de ventes ou même des galeries, le dispositif s’inscrit dans l’ADN du Crédit municipal, entreprise publique détenue par la Ville de Paris.