En 2027, la Normandie fêtera le millénaire de la naissance de Guillaume le Conquérant. En amont de ces festivités, le musée de la Tapisserie de Bayeux, sis dans cette ville du Calvados, va fermer ses portes, à compter du 1er septembre 2025, dans le cadre d’un vaste chantier de rénovation.
La 31 janvier, la ministre de la Culture a présenté in situ le projet d’agrandissement et de rénovation du musée, installé depuis 1983 dans l’ancien Grand Séminaire de Bayeux. « Parce qu’elle est un chef-d’œuvre, un véritable trésor de l’humanité, la Tapisserie de Bayeux mérite un écrin à sa hauteur, a déclaré Rachida Dati. C’est ce que nous construisons aujourd’hui, alors que le projet de rénovation et d’extension du musée, porté à la fois par la Ville, le Département, la Région et l’État, s’engage dans une étape décisive. […] Avec un total de 13 millions d’euros de financements consacrés par le ministère de la Culture, cette extension du musée de la Tapisserie de Bayeux est le projet de musée situé dans les territoires le plus aidé de l’État. »
Le chantier bénéficie d’un budget total de 38 millions d’euros. D’ici la réouverture dans deux ans, une extension contemporaine de 3 500 m² sera ajoutée, adossée au bâtiment historique du XVIIe siècle. Ce dernier sera rénové, la cour d’honneur modernisée, ainsi qu’un passage créé entre l’édifice ancien et la nouvelle aile.

Le futur musée de la Tapisserie de Bayeux fera s’articuler l’ancien et le contemporain avec deux vastes ensembles architecturaux. Dans ce périmètre urbain de 11 000 m², l’extension neuve sera adossée à l’actuel Grand séminaire, entièrement rénové. Images visualisation galerie © Atelier Brueckner
Outre le réaménagement de son écrin, la Tapisserie de Bayeux, son joyau, va elle aussi être restaurée par les équipes du musée. Premier objet mobilier classé au titre des monuments historiques dès 1840, la broderie médiévale a été inscrite par l’Unesco sur le registre « Mémoire du monde » en 2007. Chef-d’œuvre de l’art roman du XIe siècle, elle relate la conquête de l’Angleterre par le duc de Normandie. Le récit commence en 1064, lorsque le roi d’Angleterre, Édouard le Confesseur, charge son beau-frère, Harold Godwinson, de se rendre en Normandie afin de proposer à son petit-cousin, Guillaume, sa succession sur le trône d’Angleterre. Il se termine par la fuite des Anglo-saxons à la fin de la Bataille d’Hastings en octobre 1066. La Tapisserie de Bayeux a vraisemblablement été commandée par l’évêque Odon, demi-frère de Guillaume le Conquérant, pour orner sa nouvelle cathédrale à Bayeux en 1077. Son ou ses auteurs sont inconnus. Néanmoins, les hypothèses historiques les plus communes vont vers une création anglo-saxonne, précise le musée.

Le nouveau bâtiment accueillera la Tapisserie de Bayeux, présentée sur un support incliné d’une longueur de plus de 70 mètres et conservée au sein d’un local hermétique qui la protègera des variations de lumière, de climat et de la pollution atmosphérique. Images visualisation galerie © Atelier Brueckner
« La première étape d’un vaste programme de conservation et de restauration de la Tapisserie a été lancée, sous la conduite de l’État qui est son propriétaire, a annoncé la ministre lors de son discours. Les premières interventions ont eu lieu, sous le contrôle scientifique et technique de la DRAC [Normandie] et avec l’accompagnement de l’établissement public La Fabrique de patrimoines en Normandie. La Tapisserie va être mise en réserve jusqu’à son retour dans sa nouvelle salle, spécialement créée pour l’accueillir dans l’extension du musée, dont les travaux doivent démarrer en octobre. »
Pour mener à bien ce programme, des coopérations scientifiques et culturelles ont été mises en place avec le British Museum, le Victoria and Albert Museum de Londres et l’Université de Glasgow, membres du comité scientifique, qui a validé la méthodologie.
« Main dans la main, nous avons pu concevoir ensemble un espace qui permettra à la fois la restauration de la Tapisserie et sa présentation au public, grâce à une "table multifonction", qui est un équipement unique au monde », a annoncé la locataire de la Rue de Valois. L’État prendra en charge l’intégralité des coûts de restauration, à hauteur de plus de 2 millions d’euros.
En partenariat avec le Mobilier national / Les Gobelins, la peintre et vidéaste Hélène Delprat est la lauréate du concours lancé par la Région Normandie pour réaliser la pièce manquante de la Tapisserie de Bayeux, le fameux « Couronnement de Guillaume à Westminster ». « En 2018, [Hélène Delprat] avait plongé une partie du musée des beaux-arts de Caen, qui a conservé quelques-unes de ses œuvres comme un âne à deux têtes, dans son monde particulier, à la fois noir et sensible », rappelle le quotidien Ouest-France, citant Anne Bernardo, porte-parole du musée : « Une superbe artiste, qui a le vent en poupe, férue d’arts et de littérature. Elle a de l’envergure, un propos qui fait vraiment sens. »
Des fragments de la Tapisserie de Bayeux ont été découverts le 4 mars lors d’un inventaire des biens de Karl Schlabow, un archéologue nazi, par des chercheurs des Archives du Land du Schleswig-Holstein, en Allemagne. La broderie « intéressait particulièrement les nazis », précise le musée. Ce morceau, considéré comme un bien culturel français, sera restitué et rejoindra le Centre Guillaume le Conquérant de Bayeux.
Nouvel écrin, chef-d’œuvre restauré : en 2027, Bayeux ne fera pas tapisserie.