Figure incontournable de la photographie en France, Agnès de Gouvion Saint-Cyr est décédée à Orange, le 15 mars 2025, à l’âge de 80 ans. Née en 1945, elle a d’abord étudié à Paris le danois et l’histoire de la danse. Mais c’est à Arles qu’elle découvre la vocation d’une vie : après sa rencontre avec Lucien Clergue dans une librairie parisienne, où elle travaille, elle est engagée comme « petite main » parlant plusieurs langues lors des premières Rencontres de la photographie d’Arles, en 1970.
En 1973, le ministère de la Culture lui commande un rapport sur l’édition en photographie, à une époque où les livres photo restent rares. « La personne qui m’a appris mon métier dans le domaine des expositions et de l’organisation, c’est Jean-Maurice Rouquette [conservateur, historien et fondateur des Rencontres d’Arles, NDLR], à qui je dois tout ou presque », confiait-elle en 2019 dans un entretien publié dans le hors-série de la revue Fisheye dédié au 50e anniversaire des Rencontres. Pendant les vacances, elle s’y occupe de la logistique, de l’accueil des personnalités étrangères pour lesquelles elle assure l’interprétation, tout en continuant à enseigner les langues le reste du temps. « Elle a soutenu d’innombrables artistes et institutions. Son engagement passionné a marqué profondément la photographie », lui rendent hommage les Rencontres sur Instagram.
En 1976, elle est rattachée au ministère de la Culture. Inspectrice générale pour la photographie pendant plus de trois décennies rue de Valois, Agnès de Gouvion Saint-Cyr avait pris sa retraite en avril 2010.
En 1990, devenue spécialiste du médium, la Ville d’Arles, Lucien Clergue et Jack Lang, ministre de la Culture, la sollicitent pour récupérer des fonds afin de relancer les Rencontres, frappées par un lourd déficit. Elle en assure la direction artistique, monte le programme des expositions en trois mois, fait fonctionner son réseau, appelle les musées, les photographes… Pour cette édition sur les Pays de l’Est, une commande est notamment passée à Raymond Depardon, qui pose son regard sur l’Europe de l’Est juste après la chute du mur de Berlin, en novembre 1989.
« Inspectrice générale de la photographie, animée par un grand sens du service public de la culture, elle a œuvré sans relâche pour la photographie à un moment historique marqué par la reconnaissance et la mise en valeur de cet art, salue de son côté le Centre national des arts plastiques (Cnap). Dans le cadre de ses fonctions au ministère de la Culture, elle a été particulièrement attentive aux conditions de travail et de vie des photographes, apportant également un soutien engagé à tous les professionnels qui les accompagnaient : éditeurs, galeries et agences. »
« Chargée de la Commission nationale de la photographie, elle a mené une action importante en faveur du patrimoine photographique, tant dans les domaines de l’inventaire, de la protection et de la restauration des fonds historiques que dans l’enrichissement des collections publiques, ajoute le Cnap. Responsable de la collection de photographies du Centre national des arts plastiques, Agnès de Gouvion Saint-Cyr a mené une politique d’acquisition déterminée et constante, avec des moyens renforcés à partir des célébrations du 150e anniversaire de l’invention de la photographie, en 1989. En dialogue avec les membres des commissions d’achat successives, elle a suivi avec attention l’intensité de la création photographique au tournant du siècle, accordant un intérêt particulier à la scène artistique française, dans toute sa diversité générationnelle et stylistique. Sa curiosité insatiable pour l’actualité de la photographie à l’échelle mondiale a permis la constitution, au sein de la collection, de fonds importants et cohérents représentant des scènes émergentes ou encore trop méconnues, notamment en Asie, avec un axe fort sur la Chine et le Japon, en Afrique, avec un intérêt marqué pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Sud, ainsi qu’en Europe centrale et orientale. À une époque où l’histoire mondiale de la photographie était encore en train de s’écrire, elle a veillé à l’intégration dans la collection d’ensembles conséquents et cohérents consacrés aux grands noms de la photographie d’après-guerre. La commande publique a également constitué un levier essentiel pour actualiser la collection grâce à l’entrée d’œuvres inédites créées dans ce cadre, dans un dialogue fécond avec les photographes. […] Le Cnap sait à quel point l’importance, la singularité et la richesse de sa collection doivent à cette infatigable passionnée de la photographie, dans toutes ses expressions. »
« D’une fidélité à toute épreuve, elle fut pour beaucoup non seulement un soutien, mais une amie. Avec Agnès de Gouvion Saint-Cyr, c’est tout un pan de la mémoire de cet âge d’or de la photographie que furent les dernières années du XXe siècle qui disparaît », écrit Jean-Luc Monterosso, l’un des fondateurs et directeur de la Maison européenne de la photographie (MEP), à Paris, de 1996 à 2018, sur le site Internet de L’Œil de la photographie.
Également conservatrice à la Bibliothèque nationale de France et commissaire d’exposition, Agnès de Gouvion Saint-Cyr a contribué à faire rayonner la photographie en France et sur tous les continents. Elle avait été élue correspondante de l’Académie des beaux-arts le 21 octobre 2009 dans la section de photographie.