Foto Arsenal Wien, le premier centre spécialisé dans la photographie et l’image en Autriche, va ouvrir les portes le 21 mars de son lieu d’exposition situé dans un complexe militaire du XIXe siècle. Félix Hoffmann, l’ancien directeur de C/O Berlin, en est le directeur artistique. L’équipe à l’origine du centre est composée des organisateurs de la biennale de photographie Foto Wien. Financé par la Ville, Foto Arsenal Wien a été conçu comme une institution sœur de la Kunsthalle Wien, un lieu de référence pour l’art contemporain. Il présentera et mettra en lumière la photographie contemporaine autrichienne et d’ailleurs à travers une dizaine d’expositions par an.
« Nous ne serons pas une institution traditionnelle, mais plutôt un centre ou un lieu de rencontre », déclare Felix Hoffmann, qui a l’habitude de proposer des programmes d’expositions qui élargissent le concept de la photographie contemporaine. Parmi les expositions qu’il a conçues pour C/O Berlin, citons « The Uncanny Familiar : Images of Terror » (2011), « The Last Image : Photography and Death » (2019) et « Send Me an Image : from Postcards to Social Media » (2021), qui ont toutes mis l’accent sur la photographie éphémère, archivistique ou inclassable.
Le mois dernier, avant l’inauguration de son siège, Foto Arsenal a organisé un événement avec la provocante artiste Valie Export, figure associée à une branche féministe voisine du mouvement Actionnisme viennois. L’an dernier, Felix Hoffmann a d’ailleurs joué un rôle central dans la présentation à Berlin d’une rétrospective de son œuvre précédemment montrée à l’Albertina de Vienne. Parmi les œuvres les plus célèbres de Valie Export figure Tapp und Tastkino (Tap and Touch Cinema), une performance réalisée dans les rues de Munich en 1968. L’artiste invitait les passants à glisser leurs mains, durant douze secondes, à l’intérieur d’un caisson masquant sa poitrine. Pendant cet instant de contact forcé, les participants devaient soutenir son regard. Ce geste artistique audacieux lui valut de recevoir des lettres et appels menaçants.
Vienne, souligne Felix Hoffmann, est depuis des siècles un foyer bouillonnant d’avant-garde artistique, un héritage remontant à la Belle Époque et bien avant. Cette effervescence perdure encore aujourd’hui, affirme-t-il : « La ville regorge d’impulsions artistiques fascinantes, mais celles-ci restent souvent confinées à l’Autriche, ce qui les rend parfois peu visibles sur la scène internationale ».
L’exposition inaugurale de Foto Arsenal, intitulée « Magnum : A World of Photography », adopte une approche plus traditionnelle en explorant la création, la diffusion et l’archivage d’images désormais emblématiques réalisées par les membres de la célèbre agence Magnum Photos. Felix Hoffmann précise que l’exposition mettra en lumière, avec objectivité, « les processus de travail variés et souvent confidentiels » de ces photographes documentaires, qui ont non seulement apporté des photos d’actualité du monde entier jusque sur les tables familiales, mais ont également réinventé le langage visuel de la photographie.
Résolu à faire de Foto Arsenal un lieu pertinent pour une génération pour qui Magnum Photos pourrait tout aussi bien appartenir à l’époque de la Renaissance, Felix Hoffmann insiste sur la nécessité de développer une véritable éducation aux médias, au-delà des seules expositions. Ainsi, l’autre mission de l’institution sera de proposer des stratégies pédagogiques interactives, à destination notamment des jeunes générations. Performances, tables rondes et ateliers y seront organisés afin d’explorer comment la « culture collective de l’image » façonne nos vies dans une perspective globale.
« Habituellement, seuls quelques groupes d’enfants privilégiés ont la possibilité de visiter un lieu comme le nôtre, observe Felix Hoffmann. Il est essentiel de mettre en place un programme d’accès élargi destiné aux publics défavorisés, afin que nous puissions explorer avec eux cette question fondamentale : comment notre monde d’images dialogue-t-il avec la société du XXIᵉ siècle ? Car lorsque l’on plonge dans l’univers des réseaux sociaux, il soulève d’innombrables interrogations. »