La semaine de SP-Arte (du 2 au 6 avril 2025) a marqué le coup d’envoi du calendrier artistique au Brésil. Pour sa 21ᵉ édition, le Salon a attiré quelque 200 exposants au Pavillon de la Biennale, au cœur du parc Ibirapuera à São Paulo, avec une forte présence de galeries brésiliennes et un contingent notable de marchands spécialisés en design.
« Elle donne le ton au monde de l’art brésilien pour le semestre à venir, voire pour toute l’année », confie Fernanda Feitosa, fondatrice et directrice exécutive de la foire, au Art Newspaper. Cette dernière souligne que les retours du vernissage VIP, tenu mercredi 2 avril, ont été très positifs : « Quand on voit les galeristes sourire, c’est bon signe : leur stand rencontre le succès. »
Et, à en juger par l’ambiance durant les premières heures, les raisons de sourire ne manquaient pas. « On n’a pas arrêté une minute », affirmait Juliana Asmir, directrice des ventes de la galerie brésilienne A Gentil Carioca (Rio de Janeiro).

Visiteurs dans le Pavillon de la Biennale de São Paulo lors du vernissage VIP de SP-Arte le 2 avril 2025. Courtesy SP-Arte
Ces dernières années, selon Fernanda Feitosa, la dynamique du marché de l’art mondial s’est déplacée de l’Amérique latine vers l’Asie. Mais selon elle, depuis le début de l’année, les collectionneurs internationaux et les représentants d’institutions muséales manifestent un regain d’intérêt pour la scène brésilienne. « L’intérêt pour la foire revient, affirme-t-elle. Quatre-vingts étrangers nous ont contactés, soit presque trois fois plus que lors des dernières éditions. »
Le commissaire d’exposition colombien Jose Roca, responsable de l’art latino-américain et de la diaspora au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden à Washington, et co-commissaire de la prochaine Biennale de Bogotá, fait partie de ces visiteurs étrangers de retour à SP-Arte après une longue absence. « Je n’étais pas venu depuis avant la pandémie, et je dois dire que le Brésil a surmonté ce coup d’arrêt qu’ont connu toutes les foires d’art avec le Covid, observe-t-il. Cela se reflète dans la qualité des œuvres présentées par les galeries. L’ensemble dégage une énergie particulièrement dynamique. »
Les collectionneurs Vicki et Seth Kogan, basés à Los Angeles, acquièrent de l’art depuis plus de dix ans – leur collection comprend des œuvres de Jeffrey Gibson, Yoshitomo Nara, Otis Kwame Kye Quaicoe ou encore Nick Cave – mais il s’agissait cette année de leur première visite à SP-Arte. « C’est une expérience fascinante. Ici, tout semble plus posé, moins précipité que dans certaines foires comme Art Basel, confie Vicki Kogan au Art Newspaper. L’ambiance est très détendue. » « Dans certaines foires, il ne s’agit plus vraiment de collectionneurs sérieux, mais plutôt de célébrités et de paraître, ajoute son mari Seth. À SP-Arte, on a vraiment le sentiment que les gens viennent parce qu’ils aiment l’art, tout simplement. »

Œuvre de Tulio Pinto exposée sur le stand de la Galerie Piero Atchugarry à SP-Arte 2025. Courtesy de Galerie Piero Atchugarry
Les Kogan affirment avoir été agréablement surpris par la diversité de la scène brésilienne. Ils ont acquis une œuvre de Tulio Pinto, un artiste basé à Porto Alegre, sur le stand de la Galerie Piero Atchugarry (Miami, Garzón). Ses œuvres jouent avec la gravité, mettant en tension la densité des matériaux et la légèreté des formes. « En général, quand nous allons dans une foire, nous avons à l’idée de voir un artiste précis, une œuvre ou une galerie en particulier, explique Vicki Kogan. Ici, tout est nouveau pour nous, inconnu – et j’adore ça. »
Le marchand et collectionneur berlinois Alfred Kornfeld, dont la Galerie Kornfeld ne participe pas à cette édition, s’est lui aussi dit impressionné par la qualité des œuvres présentées – notamment par des artistes qu’il n’avait encore jamais vus. « Dans d’autres foires, on trouve des œuvres venus du monde entier, mais ici, il y a une vraie concentration d’artistes brésiliens et latino-américains, remarque-t-il. Nous, Européens, connaissons les artistes européens et américains, mais presque rien des Brésiliens. C’est un changement bienvenu. On a tant à apprendre d’eux, leur culture est incroyablement riche… mais nous avons été trop snobs pour nous y intéresser. Il est temps désormais de regarder ces artistes. »
Selon Fernanda Feitosa, ce regain d’intérêt international tient en partie au rôle majeur joué par le directeur artistique du Museu de Arte de São Paulo (Masp), commissaire de l’exposition de la dernière Biennale de Venise. « La Biennale, dirigée par Adriano Pedrosa, a révélé au monde la qualité de l’art produit dans le Sud global, souligne-t-elle. Le marché est très concentré dans le Nord, et, en général, on considère encore l’art du Sud comme exotique, naïf ou bon marché ; il existe même une forme de condescendance à son égard. »
L’ouverture de la foire a d’ailleurs coïncidé avec la réouverture du Masp, après six années de travaux et un ambitieux projet d’extension et de rénovation de 43 millions de dollars.

Nicolas Antoine Taunay, Aqueduc à Rio de Janeiro, vers 1816-1817, était présenté sur le stand de la Galeria Danielian à SP-Arte 2025. Courtesy de Galeria Danielian
Bien que SP-Arte mette cette année largement l’accent sur la scène contemporaine latino-américaine, l’une des pièces phares de la foire est une toile ancienne du peintre français Nicolas Antoine Taunay (1755-1830), présentée sur le stand de la Galeria Danielian (Rio de Janeiro). L’œuvre, intitulée Aqueduc à Rio de Janeiro (vers 1816-1817), fait partie des premières représentations urbaines de la ville de Rio. Elle n’avait plus été exposée au public depuis le début du XIXᵉ siècle. Les représentants de la galerie n’ont pas souhaité communiquer le prix de l’œuvre. Mise en vente lors de la vente d’art latino-américain organisée par Christie’s à New York en octobre 2024, avec une estimation comprise entre 200 000 et 300 000 dollars, elle n’avait pas trouvé preneur.
Pour les collectionneurs et commissaires internationaux présents cette année, le voyage à SP-Arte s’est révélé particulièrement riche en découvertes. « Si vous voulez savoir ce qui se passe dans cette partie du monde, vous devez venir à SP-Arte ou à d’autres petites foires de la région », conclut Jose Roca.
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SP-Arte, du 2 au 6 avril 2023, São Paulo, Brésil