Une vaste rétrospective consacrée à la peintre abstraite portugaise Maria Helena Vieira da Silva (1908-1992) s’ouvre samedi 12 avril 2025 à la Collection Peggy Guggenheim à Venise, avant de voyager au Guggenheim Bilbao à l’automne. Bien qu’elle soit considérée comme un trésor national au Portugal et qu’elle soit reconnue en France – où une rétrospective a été présentée à Marseille et Dijon en 2022 –, sa renommée internationale s’est estompée depuis sa disparition. L’artiste « doit encore être redécouverte par de nombreux publics, affirme la commissaire de l’exposition, Flavia Frigeri. Son œuvre et les thématiques qu’elle aborde résonnent encore puissamment avec les enjeux de notre époque. »
Intitulée « Anatomy of Space » (Anatomie de l’espace), l’exposition réunit environ 70 œuvres issues de collections publiques et privées du monde entier. L’exposition adopte une approche chronologique pour mettre en lumière l’évolution progressive de son langage formel. Influencée par les fresques médiévales, le cubisme et le futurisme, l’artiste passe de l’exploration du mouvement dans l’espace – comme dans Le Jeu de cartes (1937) et Figure de ballet (1948) – à des paysages urbains réels ou imaginaires. L’exposition met également en lumière l’influence de ses années de formation à Paris ainsi que celle de son exil traumatique à Rio de Janeiro pendant la Seconde Guerre mondiale, aux côtés de son mari, l’artiste hongrois Árpád Szenes.
« Ce point d’équilibre subtil entre abstraction et figuration, elle le manie avec une grande intelligence », explique Flavia Frigeri, en précisant que cette tension trouve sa source dans un jeu de va-et-vient entre l’espace et le corps, thématique reflétée dans le titre de l’exposition. « Elle avait étudié l’anatomie et s’était profondément investie dans la représentation de la figure. Même si elle savait qu’elle ne voulait pas être une artiste figurative, cela est resté en elle, d’une certaine manière », précise la commissaire.
L’exposition débute par une section consacrée au lien profond unissant Maria Helena Vieira da Silva à Árpád Szenes – un choix révélateur de la singularité de sa trajectoire. Moins célébré, mais essentiel, le parcours de Szenes a soutenu et nourri le sien, sans jamais l’occulter. « Son parcours est l’exact contraire des récits que l’on entend habituellement à propos des femmes artistes », souligne Flavia Frigeri.

Maria Helena Vieira da Silva, Composition, 1936. Photo : Kristopher McKay. © Solomon R. Guggenheim Foundation, New York
L’un des signes de la réussite de Vieira da Silva fut la reconnaissance précoce par deux figures majeures : Peggy Guggenheim, qui l’intégra à l’exposition « Exhibition by 31 Women » en 1943 dans sa galerie Art of This Century à New York, et Hilla Rebay, qui acquit Composition (1936) dès 1937 pour le Solomon R. Guggenheim Museum situé dans la même ville. L’artiste se décrivait comme « une créature de l’atelier », un lieu qui dépassait pour elle la simple fonction pratique : c’était un espace structurant, au cœur de sa réflexion sur la représentation de l’espace architectural.
Le fait que l’exposition coïncide avec la Biennale d’architecture de Venise relève du hasard heureux, selon Flavia Frigeri. « Elle avait une conscience aiguë de ce que signifie faire l’expérience de la ville, à la fois comme un espace qui vous accueille, mais aussi comme une projection mentale des multiples chemins que l’on peut y emprunter, des différentes façons de la percevoir », conclut la commissaire.
« Maria Helena Vieira da Silva : Anatomy of Space », du 12 avril au 15 septembre 2025, Collection Peggy Guggenheim, Venise ; Guggenheim Bilbao, du 17 octobre au 22 février 2026.