Du 18 au 20 avril 2025, Art Dubai revient avec 30 nouveaux exposants, tout en conservant son cadre emblématique. Les VIP retrouveront le salon feutré surplombant le lagon du Madinat Jumeirah, les déjeuners libanais seront toujours servis en généreuses portions, et les galeristes prêteront une oreille attentive aux nouveaux accents et aux langues venues en force cette année.
Mais si Art Dubai s’ouvre sur un décor familier, le paysage global des foires d’art, lui, est en pleine mutation. L’agence américaine Endeavor a mis Frieze en vente, tandis que des rumeurs persistantes – bien que jamais confirmées – évoquent une série de collaborations potentielles entre Art Basel et des acteurs du Golfe. De son côté, Art Dubai a fait allusion à des « projets internationaux » encore non précisés, attisant la curiosité du milieu. En attendant d’en savoir plus, l’édition 2025 donne pour l’instant l’impression d’un calme avant la tempête.
Une maturation interne
« Il est pertinent d’opérer dans une ville, un pays et une région en pleine croissance, où l’on investit massivement dans les infrastructures culturelles, et où l’on assiste à une véritable maturation de la scène artistique – un phénomène qui attire l’attention internationale et génère de nouvelles opportunités, explique Benedetta Ghione, directrice exécutive d’Art Dubai. Mais notre maturation est aussi un processus interne… Il semble que ce soit le bon moment pour mettre en place une équipe élargie afin de répondre à nos ambitions croissantes. »

Downtown Design, organisé par Art Dubai depuis plus de dix ans, connaîtra sa première édition à Riyad le mois prochain. Courtesy de Art Dubai
En janvier, Art Dubai a annoncé le recrutement d’Alexie Glass- Kantor, directrice exécutive d’Artspace à Sydney, en tant que directrice exécutive du groupe Art Dubai, ainsi que de Dunja Gottweis, ancienne responsable mondiale des relations avec les galeries d’Art Basel, nommée directrice de la foire Art Dubai. L’organisation a également lancé une nouvelle foire, Editions, consacrée à l’édition d’art, qui a rencontré un succès mitigé lors de la Semaine du design de Dubaï en novembre 2024. Le mois prochain, Art Dubai étendra sa Semaine du design à Riyad, avec le lancement de Downtown Design Riyadh, un événement de quatre jours à JAX, le quartier des entrepôts de Diriyah, en périphérie de la capitale saoudienne. Il s’agit pour l’instant d’une foire commerciale ciblant le secteur immobilier en pleine effervescence dans le Golfe, mais beaucoup y voient déjà un test pour un événement davantage orienté vers l’art.
Toutefois, il reste à déterminer dans quelle mesure les ambitions croissantes d’Art Dubai porteront sur la foire elle-même, ou sur la vaste programmation développée parallèlement par sa société mère.
Bien qu’il soit principalement connu pour son événement phare de cinq jours, le groupe Art Dubai pilote des programmes tout au long de l’année à Dubaï. Depuis 2013, il possède et organise Downtown Design, la principale foire de design de la région, qui se tient chaque novembre dans le cadre de la Semaine du design de Dubaï – un programme varié de conférences, de commandes et d’activités qu’il coordonne également. Il gère par ailleurs plusieurs initiatives éducatives, dont Prototypes for Humanity, lancé en 2015 sous la forme d’une exposition annuelle de projets universitaires. Ce programme est désormais actif toute l’année et vise, en partenariat avec le gouvernement de Dubaï, à proposer des solutions en matière de design et d’innovation face aux grands défis mondiaux.
Des initiatives plus civiques
Ces dernières années, les initiatives d’Art Dubai ont pris une dimension plus civique, voire infrastructurelle. En 2020, la Foire a lancé la Dubai Collection, un programme qui intègre des collections privées dans le domaine public – une manière de compenser l’absence, à Dubaï, d’un musée permanent dédié à l’art contemporain, malgré son statut de pôle artistique majeur aux Émirats arabes unis. Plus récemment, la stratégie d’art public de la Ville, lancée l’an dernier en partenariat avec le gouvernement, prévoit des commandes d’œuvres appelées à être installées dans l’ensemble de l’espace urbain.
Selon Benedetta Ghione, la stratégie d’Art Dubai est organique et pensée en lien étroit avec la ville, ce qui la distingue délibérément des modèles de foires franchisées. « Notre modèle indépendant nous est vraiment bénéfique, car il nous permet d’adopter une approche expérimentale, presque de laboratoire, et de faire évoluer notre programmation par itérations, explique-t-elle. Au fil du temps, nos initiatives se sont étendues pour devenir des programmes à l’année. The Dubai Collection, par exemple, est aujourd’hui un projet pluriannuel, avec une stratégie à long terme et de très grandes ambitions : contribuer à l’infrastructure culturelle de la ville. »
Le regain d’intérêt pour l’art arabe a également profité à la foire, ainsi qu’au secteur des galeries et des ventes aux enchères dans l’ensemble des Émirats arabes unis. Alserkal Avenue s’est agrandie de trois galeries au cours des douze derniers mois : Aisha Alabbar Gallery et Efie Gallery ont quitté d’autres quartiers de Dubaï pour s’y installer, tandis que Taymour Grahne Projects, basé à Londres, y ouvrira un espace permanent en septembre 2025.
Meagan Kelly Horsman, directrice générale de Christie’s Moyen- Orient, observe l’arrivée à Dubaï d’une nouvelle génération de collectionneurs, qu’il s’agisse de membres de la génération Z ou de milléniaux qui commencent à acquérir des œuvres, ou de personnes s’intéressant à l’art de la région arabe. « Les jeunes collectionneurs achètent des œuvres contemporaines ainsi que des œuvres modernistes sur papier et des gravures, tandis que la clientèle internationale recherche principalement des peintures modernistes », explique-t-elle. Elle ajoute que l’intérêt institutionnel croissant à l’étranger pour les artistes de la région – comme en témoigne la rétrospective consacrée à l’artiste libanaise Huguette Caland au Museo Reina Sofía de Madrid en 2025, ou la Biennale de Venise 2024, dirigée par Adriano Pedrosa et axée sur les artistes du Sud global – alimente également cette demande.

Efie Gallery fait partie des trois galeries qui ont récemment emménagé sur Alserkal Avenue à Dubaï. Courtesy Efie Gallery
Mais alors qu’Art Dubai poursuit son développement, l’Arabie saoudite reste « le sujet » du moment. Le pays fait émerger sa scène artistique à un rythme soutenu. Si le marché de l’art y demeure encore en retrait par rapport à d’autres, la vente organisée par Sotheby’s et les discussions en cours autour d’une foire commencent à transformer ce qui reste, pour l’instant, un petit marché au regard de la richesse nationale. Début avril, le ministère de la Culture a lancé la Riyadh Art Week (du 6 au 13 avril), rassemblant galeries locales et internationales, institutions, artistes et mécènes à travers une série d’expositions et d’événements organisés à JAX – une sorte de semaine de foire, sans foire proprement dite. Mais à ce jour, peu d’initiatives dans la région peuvent encore rivaliser avec Art Dubai.