Zourab Tsereteli, peintre et sculpteur d’origine géorgienne, longtemps favori des autorités soviétiques et russes et auteur de statues installées dans le monde entier, est mort le 22 avril à l’âge de 91 ans, ont rapporté les agences de presse russes.
Souvent décrit comme un artiste mais aussi comme un homme d’affaires, Tsereteli était président de l’Académie russe des beaux-arts depuis 1997. Il disposait de plusieurs espaces muséaux à Moscou, dont deux étaient consacrés à son propre travail : l’un jouxtant le siège de l’Académie, l’autre installé dans son atelier, attenant à un hôtel particulier d’avant la Révolution où il organisait des dîners animés par des chanteurs tziganes.
Une immense pomme sculptée, dans laquelle les visiteurs peuvent entrer, figure au centre de son musée. Représentant la Connaissance du bien et du mal, elle met en scène Adam et Ève, avec à l’intérieur des scènes érotiques. Cette œuvre est souvent le point focal des banquets organisés dans la galerie.
Le Musée d’art moderne de Moscou, qu’il avait fondé en 1999 avec le soutien de la mairie, est aujourd’hui dirigé par son petit-fils, Vasili.
Le monument à Pierre le Grand, haut de 98 mètres et pesant 1 000 tonnes, réalisé en acier inoxydable, bronze et cuivre par Zourab Tsereteli en 1997, près de la cathédrale du Christ-Sauveur et face au Kremlin à Moscou, est devenu un point de cristallisation des critiques. Ses détracteurs estimaient qu’il défigurait le paysage urbain de la capitale russe. L’œuvre fut perçue comme préfigurant l’ère Poutine, arrivé au pouvoir en 2000, et qui considère le tsar Pierre comme un modèle de puissance.

Le monument à Pierre le Grand par Zurab Tsereteli à Moscou. Photo : Mos.ru
Tsereteli a également assuré la direction artistique — sculptures et fresques comprises — lors de la reconstruction de la cathédrale du Christ-Sauveur, détruite sur ordre de Staline en 1931. Elle fut reconstruite dans les années 1990 sous l’impulsion du maire de Moscou Iouri Loujkov, qui a dirigé la ville pendant près de vingt ans, avec un financement imposé aux oligarques post-soviétiques en pleine ascension. En 2012, la cathédrale fut le théâtre de la célèbre performance contestataire du groupe féministe Pussy Riot, la Prière punk contre Vladimir Poutine et le patriarche Kirill de l’Église orthodoxe russe. La cérémonie funèbre de Tsereteli s’est tenue mercredi dans cette même cathédrale.
Dans un télégramme de condoléances diffusé par le Kremlin, Vladimir Poutine a salué la mémoire de Zourab Tsereteli, une vie au « service désintéressé à l’art ».
Des cérémonies commémoratives auront également lieu à Tbilissi, capitale de la Géorgie, où il était né en 1934 et dont il revendiquait les racines aristocratiques. Il y avait fondé en 2012 un musée d’art moderne. Il sera inhumé au Panthéon de Didoubé, aux côtés d'autres figures culturelles géorgiennes.
Diplômé de l’Académie des beaux-arts de Tbilissi, Zourab Tsereteli s’est imposé en URSS comme décorateur de grands hôtels soviétiques, notamment l’Intourist de Yalta, en Crimée, où il a également érigé un monument commémorant la conférence de Yalta entre Churchill, Roosevelt et Staline.
Il fut artiste en chef des Jeux olympiques de Moscou en 1980. Au début de sa carrière, il a conçu des abribus futuristes en Abkhazie, alors station balnéaire de Géorgie. Il affirmait avoir rencontré Marc Chagall et Pablo Picasso dans leurs ateliers parisiens dans les années 1960 – une liberté de déplacement rare, témoignage de ses relations privilégiées.
Parmi ses œuvres monumentales installées à l’étranger figurent Good Defeats Evil (Le Bien triomphe du Mal, représentant saint Georges terrassant le dragon), offerte par l’URSS à l’ONU en 1990 pour son 45e anniversaire. Le dragon est constitué de fragments de missiles soviétiques SS-20 et américains Pershing II. Son œuvre Tear of Grief est installée à Bayonne (New Jersey) en hommage aux victimes des attentats du 11 Septembre 2001 et de 1993 contre le World Trade Center à New York. En France, il a fait don en 2006 d’une Statue de Jean-Paul II à Paul Anselin, l’ancien maire de la commune de Ploërmel (Morbihan). Cette œuvre avait suscité la polémique, jusqu’à ce que le Conseil d’État ordonne le retrait de la croix. La sculpture a finalement été déplacée sur un terrain privé.
Après sa mort, de nombreux messages publiés sur les réseaux sociaux ont salué sa générosité personnelle envers des artistes malades ou en difficulté, mais aussi son soutien constant au régime de Vladimir Poutine. Alexandr Khinshtein, gouverneur par intérim de la région de Koursk, frontalière de l’Ukraine, a révélé sur son compte Telegram que Tsereteli avait récemment conçu une médaille commémorant la « libération de Soudja », une ville brièvement occupée par les forces ukrainiennes l’année dernière et reprise par la Russie le mois dernier.