C’est au 11 quai de Conti, face à la Seine, qu’est actuellement présentée « Women House », une exposition interrogeant les notions de « femme » et « d’espace domestique » à travers le travail d’une quarantaine d’artistes du genre féminin. Une référence voulue à l’exposition précurseur homonyme, lors de laquelle les pionnières de l’art féministe, Miriam Schapiro et Judy Chicago, ont exposé leurs contemporaines en 1972. Avec près de 1000m² à leur disposition au sein d’une Monnaie de Paris entièrement rénovée, les commissaires Camille Morineau et Lucia Pesapane proposent une lecture renouvelée, féministe et poétique de l’histoire de l’art récente tout en mettant en avant les productions d’artistes – souvent injustement oubliéestelles que Birgit Jürgenssen ou Heidi Bucher.
Le fil conducteur de l’exposition serait venu à Camille Morineau, frappée par la récurrence du thème de femmes-maisons, alors qu’elle admirait les travaux de Louise Bourgeois et de Niki de Saint Phalle lors de l’accrochage de « Elles » (2009-2011) au Centre Pompidou. C’est ainsi qu’elle aurait choisi de placer la thématique au sein de la rétrospective, qui documente en huit chapitres la perception de trente-neuf artistes femmes dans cet espace domestique.
Détricotant le statut de femme au foyer, la première partie, « Desperate Housewife » (en référence à la série américaine éponyme), expose notamment les travaux de Birgit Jürgenssen, une artiste autrichienne proche de Valie Export. Dans ses dessins, les hommes servent de serpillière, s’aplatissent sous le fer à repasser d’une ménagère et servent d’outils aux gestes aliénants du quotidien des femmes dans leur maison.
Un peu plus loin, l’espace nommé « La maison, cette blessure » dresse un autoportrait photographique de cette même artiste où elle lance, les mains et le visage collés à une vitre, un appel à l’aide par l’entremise du message « Ich möchte hier raus ! » (Je veux sortir d’ici !) écrit à l’encre légèrement passée sur le décolleté de son chemisier. Figure importante des années 1970, Birgit Jürgenssen est devenue la voix du féminisme de l’époque qui exigeait, entre autres, l’ouverture du débat public aux femmes, de même que des avancées sur les questions de contraception et d’avortement.
Si les deux premiers espaces d’exposition se font l’écho de travaux politiquement engagés, la partie « Une chambre à soi » – titre de l’ouvrage écrit par Virginia Woolf en 1929 offre une réflexion plus contemplative et poétique sur l’espace domestique, capable aussi de se faire le lieu d’une intimité amoureuse comme dans l’œuvre photographique de Zanele Muholi. Au cours de l’exposition, les thèmes « Maison de poupées », « Empreintes », « Construire c’est se construire », « Mobil-homes » et « Femmes-maisons » continuent de déconstruire la notion d’espace privé grâce à une muséographie claire et efficace.