La position d’Emmanuel Macron à l’égard du patrimoine africain exige de repenser les politiques culturelles existantes. « Je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine culturel africain soit en France. Il y a des explications historiques à cela, mais pas de justification valable, durable et inconditionnelle. Le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées. Il doit être mis en valeur à Paris, oui, mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou », a-t-il déclaré à l’université de Ouagadougou le 28 novembre dernier.
Le président a signalé qu’il souhaitait mettre en place des dispositifs pour restituer les artéfacts de manière « temporaire ou permanente » dans les cinq années à venir. « Ce sera une de mes priorités », a-t-il affirmé.
Yves-Bernard Debie, un avocat bruxellois spécialisé dans la propriété et le commerce culturels, considère que le discours du président est sans précédent puisqu’il brise la légalité française instaurée en 1566 par le décret de Moulins. « Ce décret a fait basculer le domaine royal du côté du domaine public et l’a rendu inaliénable », explique-t-il.
« Je suis préoccupé car c’est un très mauvais message pour d’autres pays, qui penseront qu’ils peuvent, eux aussi, exiger la restitution de biens obtenus, selon eux, illégalement. Il n’y a désormais plus rien qui empêche ces pays de réclamer “leur patrimoine” à la France. Est-ce que c’est réaliste ? Oui et non. Non à cause des principes d’inaliénabilité qui sont entérinés dans la loi. Et oui parce qu’il est toujours possible de modifier les lois », indique Bernard Debie. Il poursuit : « Qu’est-ce qu’une “restitution temporaire” ? “Restituer” signifie rendre à son propriétaire légitime quelque chose qui a été obtenu illégalement. Rendre quelque chose de manière “temporaire” n’est pas envisageable. »
De son côté, Nicholas Thomas, directeur du musée d’Archéologie et Anthropologie de Cambridge, considère que cette initiative marque un pas dans la bonne direction. « L’engagement du président Macron sera bien accueilli par de nombreux musées et commissaires », a-t-il dit.
Les musées français abritant des artéfacts africains pourraient donc, désormais, être contraints à mettre en place de nouvelles politiques de rapatriement.
Depuis 2016, le Bénin réclame au musée du Quai Branly-Jacques Chirac (qui abrite plus de 70 000 œuvres d’Afrique subsaharienne, dont la plupart issues d’anciennes collections du musée de l’Homme et du musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie) les trésors des rois Ghézo, Glélé et Behanzin. Les œuvres en question avaient été pillées par l’armée française dans les palais royaux d’Abomey, au Bénin, en 1892.
En août 2016, le gouvernement béninois a formellement demandé au ministère français des Affaires étrangères de rapatrier les œuvres. Mais en décembre dernier, Jean-Marc Ayrault (le ministre à l’époque) a expliqué que la restitution n’était pas envisageable puisque la collection – comme celle de tous les musées publics en France – est « inaliénable ».