Comment vivez-vous personnellement ce confinement ?
Je suis confiné à Marseille en centre-ville dans mon appartement depuis trois semaines. Je ne vois personne et ne suis sorti que deux fois pour faire quelques courses. Je suis par contre devenu un adepte du télétravail en lien quotidien avec un grand nombre de personnes et les équipes du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur et du CIPAC formidablement mobilisées. Cette crise nous conduit à repenser irrémédiablement nos habitudes et nos comportements. Il y aura de toute évidence un avant et un après. Il nous faut dès à présent penser à l’après. Respecter strictement le confinement et continuer à travailler est ma modeste contribution pour affronter cette crise.
Le CIPAC a lancé le 15 mars une enquête afin de mesurer les retombées immédiates de cette crise sanitaire sans précédent sur l’écosystème de l’art contemporain en France. Quels en sont les premiers résultats ?
Nous avons lancé cette enquête le 15 mars dernier car il nous semblait d’une urgence absolue de disposer d’un état des lieux qui traduise concrètement et rapidement l’impact de cette épidémie sur notre écosystème à très court terme et à l’échelle des 28 réseaux que fédère le CIPAC. Avec plus d’un millier de réponses, nous disposons désormais d’un diagnostic en temps réel qui est très alarmant. Les artistes-auteurs ont été très nombreux à répondre à cette enquête. Leurs retours nous aident à penser des mesures d’urgence pour les soutenir ainsi que tous les indépendants, commissaires d’expositions, critiques d’art, conservateurs-restaurateurs, monteurs, médiateurs qui sont les premières victimes de cette crise. Les galeries sont à l’arrêt également et l’on connaît leur fragilité. Combien survivront si nous ne prenons pas des mesures pour les soutenir en maintenant nos politiques d’acquisition ? Les premières conclusions de l’enquête montrent que 80 % des projets (expositions, ateliers pédagogiques, interventions en milieu scolaire, résidences...) reportés ou annulés impactent directement les artistes. Il est de notre responsabilité de nous engager aujourd’hui à leurs côtés. Sans les artistes, nous n’existons pas et cette redoutable actualité vient nous rappeler combien être artiste est un engagement de tous les instants. Cette épidémie du Covid-19 accélère une prise de conscience salutaire et nous oblige à affronter toutes nos contradictions et travailler en bonne intelligence avec l’ensemble des collectivités et ministères.
Les premières annonces du ministère de la Culture et du Centre national des arts plastiques (Cnap) vous semblent-elles à la hauteur ?
Depuis le début de cette crise sanitaire, il y a une volonté indéniable de tous nos interlocuteurs et parfois partenaires d’apporter des réponses à l’urgence de la situation. C’est une mobilisation collective qui est à l’œuvre. Le ministère de la Culture et le Cnap, les Conseils régionaux sont sur le front et travaillent d’arrache-pied pour proposer des dispositifs de soutien opérationnels immédiatement. À crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles certes mais c’est aussi le moment de faire preuve d’adaptabilité. On ne peut que regretter la frilosité de nombreuses collectivités à remettre en cause leurs usages administratifs, leurs règlements financiers en vigueur qui freinent ou rendent impossible parfois la mise en œuvre de ces mêmes mesures. Bien évidemment, le budget alloué est bien insuffisant et traduit notre difficulté à être reconnu comme un véritable secteur économique générant des flux financiers, des recettes et représentant des milliers d’emplois. Notre activité participe pleinement de l’attractivité de notre pays et de nos territoires. La culture ne peut être une variable d’ajustement, c’est une nécessité vitale. Dans le contexte national que nous vivons aujourd’hui, la solidarité doit être le mot d’ordre car les prochaines années seront compliquées budgétairement.
Quelles seraient les mesures à prendre en urgence ?
Il y a urgence à maintenir les rémunérations des artistes et indépendants qui sont les premiers pénalisés. Privilégier le report à l’annulation des projets d’expositions, de résidence, de production, de commande de textes..., inventer et faire preuve d’innovation, proposer des formes nouvelles, conviviales et virtuelles de rencontre avec le public, les artistes et leurs œuvres et travailler dès à présent à la réouverture de nos structures et à la reprise de nos activités. Nous devons être au rendez-vous et participer pleinement à l’effort de relance dans un dialogue permanent avec nos tutelles, les collectivités et dans une dynamique interministérielle. Le ministère de la Culture ne pourra seul trouver les réponses, les Régions sont aussi fortement impliquées et on ne peut que se féliciter des initiatives que certaines mettent en place. La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur a très tôt pris des mesures de soutien aux structures culturelles et aux artistes, la Région Grand Est également et bien d’autres encore. C’est un signal fort qui dit beaucoup d’un équilibre politique et économique qui doit se réinventer.
Comment les institutions d’art contemporain peuvent-elles s’adapter à la situation actuelle vis-à-vis de leur personnel, des artistes et du public ?
Il faut souligner la mobilisation de toutes les institutions, qui ont en quelques jours dû se remettre en ordre de marche, passer au télétravail, inventer de nouveaux process et privilégier la mobilisation au repli sur soi. Que d’initiatives ! Bravo aux équipes qui trouvent l’énergie d’enrichir les réseaux sociaux et le web de propositions artistiques et culturelles originales. La série de rendez-vous virtuels « Le FRAC sur votre Web » que nous avons développé au FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur rencontre un joli succès. Le 7e Congrès du CIPAC prévu à Marseille cette année sera un rendez-vous plus important que jamais pour échanger sur nos bonnes pratiques, renforcer notre cohésion, s’engager dans l’élaboration d’un programme de transition écologique... faire cause commune ! Nous avons la chance d’avoir une scène artistique formidable, trop méconnue, parfois peu soutenue et trop souvent caricaturée au gré des spéculations du marché de l’art. Notre quotidien est tout autre et nous aurons besoin de la mobilisation de l’ensemble de notre filière pour réenchanter notre monde et l’habiter différemment.