Comment vivez-vous personnellement cette période de confinement ?
Le confinement est intervenu alors que nous sortions tout juste de l’exposition « Drapé » qui rencontra un beau succès public et que nous étions sur le point d’inaugurer une exposition consacrée aux « Baigneuses et Baigneurs » de Picasso.
CE TEMPS IMPOSÉ NOUS CONDUIT À RÉFLÉCHIR À CE QUE SERA LE MUSÉE DE DEMAIN
Dès le début, n’habitant pas très loin, j’ai décidé de continuer à venir travailler tous les jours au musée, d’accompagner l’équipe en charge de la sécurité et d’assurer une veille minimale avec le concours de la secrétaire générale, de deux conservateurs et d’un chargé de collections car un bâtiment comme le nôtre dans lequel sont conservées des collections aussi importantes réclame une présence continue. Garder des liens avec toute l’équipe du musée était une priorité absolue. J’ai choisi de le faire en proposant un rendez-vous par mail deux fois par semaine à tous les collaborateurs autour d’une œuvre emblématique de l’exposition Picasso. Des messages d’information sur la situation administrative et sur les ressources humaines sont régulièrement envoyés. Je prends également des nouvelles des artistes, des collectionneurs et des mécènes pour maintenir cette relation de confiance qui nous lie et qui est essentielle pour notre institution.
Ce temps de confinement est bien évidemment propice à des lectures pour nourrir des projets d’exposition, à la rédaction de certains articles laissés en attente et à des visites renouvelées des collections. Ces déambulations au sein du musée sont devenues une vraie nécessité qui me permet de voyager malgré le confinement à travers les civilisations et les époques.
Comment le musée des beaux-arts s’est-il organisé ?
La plupart des collaborateurs sont en télétravail et en lien étroit avec leur équipe. Il faut pleinement profiter de ce moment pour se projeter dans un futur qui intégrera forcément ce que nous sommes en train de vivre. Chaque conservateur, chaque responsable de service a été invité à faire un bilan des activités menées au cours des dernières années et à imaginer, à proposer des orientations pour l’avenir. Nous voilà conduits à utiliser ce temps qui nous est imposé pour réfléchir à ce que sera le musée de demain. Nous étions très souvent dans l’urgence pour la réalisation de projets et il faut s’interroger sur le modèle productiviste de nos musées. C’est une réflexion que nous avons déjà entamée avec les directeurs de musées internationaux du groupe Bizot, réflexion qu’il faudra mener de manière plus radicale encore concernant les expositions. Cela nous amène ainsi à repenser l’équilibre entre les collections et les expositions.
Sur quels projets travaillez-vous pendant cette période ?
Notre premier objectif est de parvenir à renégocier auprès des prêteurs le prolongement de l’exposition Picasso jusqu’à la fin de l’été. D’autres projets sont en préparation : une exposition sur la céramique contemporaine, une autre consacrée aux frères Flandrin et une exposition-dossier autour de Louis Bouquet, un acteur de la scène artistique lyonnaise. Et en 2021, la carte blanche donnée au photographe Éric Poitevin pour travailler à partir de nos collections et l’exposition « Poussin et l’amour » conçue à partir d’un tableau de jeunesse de l’artiste récemment acquis. Sur le plan international, des partenariats avec des musées à Oman (musée de Mascate), Canton et Cracovie sont momentanément en suspens.
Le musée s’est considérablement enrichi pour les XXe et XXIe siècles depuis un an grâce à des donations et des acquisitions réalisées notamment avec l’engagement des mécènes du Club du musée Saint-Pierre : nous espérons les dévoiler prochainement lors d’un nouvel accrochage. Des projets de publication de catalogues raisonnés sont en cours pour les arts de l’Islam et les sculptures du Moyen Âge et de la Renaissance. Le service culturel profite aussi de ce moment pour préparer de nouveaux dossiers pédagogiques, proposer d’autres parcours thématiques et imaginer de nouveaux partenariats avec les institutions culturelles de la Ville de Lyon.
En tant que directrice du pôle des musées d’art, j’accompagne aussi très étroitement la directrice du musée d’art contemporain, Isabelle Bertolotti, et son équipe pour repenser et ajuster la programmation de l’automne qui devait s’inscrire dans l’opération Africa 2020 et qui est reportée en raison de la pandémie.
Quels dispositifs allez-vous mettre en place pour rester en contact avec le public ?
Notre site Internet a fait l’objet d’une rénovation au cours des mois précédents. Il existait déjà sur le site une offre considérable : vidéos, audioguides, dossiers pédagogiques, tableaux à la loupe, collections en ligne… Nous avons fait le choix de communiquer sur la richesse de nos collections. Nous sommes aussi extrêmement actifs sur les réseaux sociaux afin de garder des liens très étroits avec notre public et préparer son retour au musée.
Notre service communication se mobilise chaque jour pour proposer des focus sur les œuvres, des quiz participatifs, des vidéos, des jeux et solliciter les internautes pour partager leurs coups de cœur. La visite des collections restera toujours une expérience exceptionnelle. Elle le sera d’autant plus après ce que nous avons vécu. Dans ce contexte si particulier, le virtuel n’a peut-être jamais autant souligné l’absence, l’indisponibilité momentanée des œuvres ; mais aussi leur permanence et la force de leur histoire, ce pour quoi nous nous engageons, dans ce moment si particulier, avant de pouvoir retrouver le cours du temps.