Fondée en 1996 par l’historienne d’art néerlandaise Hedwig Fijen, qui la dirige, la seule biennale européenne itinérante investit pour la première fois une cité française. Son ambition ? Créer un dialogue avec la ville hôte et repenser les rapports entre l’art et les citoyens. Aux côtés des permanents internationaux, une équipe locale a ainsi noué des relations étroites avec les acteurs marseillais – institutions et, surtout, associations et collectifs – afin de réunir les conditions d’un échange fructueux.
« les marseillais seront les premiers à profiter pleinement de l’événement et bénéficieront d’un tarif spécial qui facilitera la multiplication des visites. »
La conception de l’exposition centrale, intitulée « Traits d’union.s », a été confiée à trois commissaires : Katerina Chuchalina, directrice de la programmation de la Fondation V-A-C (Moscou), Stefan Kalmár, directeur de l’Institute of Contemporary Arts (Londres),et Alya Sebti, directrice de l’ifa gallery (Berlin). Construite en six chapitres, «Traits d’union.s» se veut une réflexion sur la vie en communauté et la culture.
Avec Katerina Chuchalina et Alya Sebti, les autres membres de l’équipe artistique, comment avez-vous abordé la ville de Marseille ?
Marseille a une longue histoire. En perpétuel mouvement, elle est à la croisée de l’Europe continentale et du Bassin méditerranéen, à la fois lieu d’accueil et de départ, sans identité marquée. Ce qui nous a intéressés, c’est donc moins l’unicité de la ville que ce qu’elle a de commun avec le reste du monde. Elle est traversée, par exemple, par la crise écologique, mais aussi par les migrations. Nous avons voulu établir des parallèles avec d’autres villes, avec d’autres pays, et proposer aux visiteurs une vision différente, élargie, plutôt que souligner ses singularités.
Le programme principal de la biennale, « Traits d’union.s », se déploie en six chapitres. Quels sont-ils ?
« Traits d’union.s » engage une réflexion sur la situation contemporaine, en particulier sur la place de la culture dans la société. Les six chapitres sont conçus autour des lieux de vie traditionnels que sont « La Maison », « Le Refuge », « L’Hospice », « Le Port », « Le Parc » et « L’École ». Chacun sera accueilli dans un des établissements culturels de la ville : le Centre de la Vieille-Charité, le Conservatoire, le musée Cantini, le musée d’Histoire de Marseille, le musée Grobet-Labadié et le Palais Longchamp.
L’ambition affichée de cette édition de Manifesta est une collaboration intense avec la ville d’accueil et ses habitants. Comment avez-vous œuvré en ce sens ?
Notre souhait était de collaborer avec les partenaires locaux et de créer des ponts entre la création artistique et les autres sphères de la société. Nous avons donc travaillé avec des associations écologiques, sportives et d’aide aux migrants, avec des collectifs musicaux, etc. L’idée était de favoriser la rencontre entre des gens qui, d’ordinaire, ne se parlent pas ou peu, et d’intégrer les institutions, menacées à l’heure actuelle par une certaine défiance.
Au-delà du report de l’ouverture de la biennale fin août (au lieu du 7 juin), en quoi la crise du Covid-19 a-t-elle impacté votre réflexion ?
Le virus est né des agressions répétées de l’homme contre la nature. Par conséquent, il révèle les problèmes structurels liés au capitalisme contemporain. Il montre combien la destruction de la planète, au profit d’un petit nombre, a des conséquences dramatiques pour l’ensemble de l’humanité. La crise nous permet d’ouvrir « Traits d’union.s » chapitre par chapitre, comme on lirait un livre, jusqu’en octobre, moment où cette exposition sera donc visible dans sa globalité. C’est une très bonne chose : Manifesta 13 Marseille sera une « slow Manifesta ». Les Marseillais seront les premiers à profiter pleinement de l’événement et bénéficieront d’un tarif spécial qui facilitera la multiplication des visites. Le Covid-19 est peut-être l’occasion de redécouvrir les valeurs humaines et les vertus du local, de se détacher de certains impératifs économiques à l’origine d’une accélération généralisée et néfaste.
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Manifesta 13, 28 août - 29 novembre 2020, 42, La Canebière, 13001 Marseille.