Les photographies sélectionnées par le journaliste, écrivain et commissaire d’exposition britannique Ekow Eshun ont été réalisées pour la plupart il y a moins de dix ans. Elles devaient faire l’objet d’une exposition aux Rencontres d’Arles, cet été, mais la pandémie due au Covid-19 en a malheureusement décidé autrement. Dans sa version anglaise originale, l’ouvrage s’intitule Africa State of Mind. C’est bien un « état d’esprit » qui lie les travaux photographiques des cinquante et un artistes présentés au fil des 272 pages de cette plongée africaine. Il s’agit en effet d’une vision du continent de l’intérieur, par opposition à un regard européocentré, mais aussi en raison de la force subjective, parfois poétique, qui se dégage des clichés réunis dans ce livre-manifeste.
Instantanés d’Afrique
« Les photographes s’expriment davantage en qualité d’artistes que de reporters – libres de définir le monde selon leurs propres termes », souligne l’auteur dans son introduction. L’ouvrage s’articule en quatre chapitres : « Villes hybrides », « Zones de liberté », « Mythe et mémoire » et « Paysages intérieurs ». Il couvre la transformation accélérée des métropoles, les questions de genre, de sexualité et d’identité, les notions de lieu et d’histoire et les approches individuelles de l’africanité.
l'ouvrage couvre […] les questions de genre, de sexualité et d’identité, les notions de lieu et d’histoire et les approches individuelles de l’africanité.
En présentant les bureaux vides et défraîchis des bâtiments publics de Maputo, Filipe Branquinho laisse par exemple entrevoir l’histoire politique mouvementée de son pays, le Mozambique. Le Nigérian Andrew Esiebo tient, lui, la chronique du chaos urbain de Lagos où l’agencement des formes et des couleurs conduit à une fascinante harmonie. Pour sa série Vraie Beauté, le Sud-Africain Jodi Bieber a photographié des femmes plantureuses autrefois appréciées dans leur culture, mais aujourd’hui dévalorisées par les canons de minceur occidentaux. Le Béninois Leonce Raphael Agbodjélou s’intéresse de son côté aux magnifiques mascarades d’Egungun, dans la culture yoruba d’Afrique de l’Ouest. Il réalise ainsi le portrait d’un peuple marginalisé qui cherche sa voie entre les injonctions de la tradition et celles de la modernité.
Ekow Eshun (dir.), Africa 21e siècle. Photographie contemporaine africaine, Paris, Textuel, 2020, 272 pages, 55 euros.