Conçue pour le centenaire de la mort du joaillier russe Carl Fabergé en 1920, l’exposition « Carl Fabergé and Feodor Rückert. Masterpieces of Russian Enamel » (« Carl Fabergé et Feodor Rückert: chefs-d’œuvre de l’émail russe ») rassemble près de 400 objets réalisés par certains des bijoutiers les plus talentueux de Russie, telles que les entreprises I. Khlebnikov et P. Ovtchinnikov, qui ont réalisé des commandes luxueuses pour la maison impériale russe, ainsi que Feodor Rückert, l’un des meilleurs maîtres joailliers de Fabergé. Les pièces exposées aux musées du Kremlin à Moscou sont diverses : icônes, lampes ou petits accessoires personnels, tels que des étuis à cartes décorés selon la technique du plique-à-jour (rappelant les vitraux).
Y figurent aussi, bien sûr, des exemplaires d’œufs ornés de bijoux, synonymes du savoir-faire unique de Fabergé. Au tournant du siècle, Carl Fabergé avait fait de la bijouterie de son père à Saint-Pétersbourg l’une des plus renommées au monde, honorée du sceau impérial après le succès du premier œuf de Fabergé, cadeau commandé par le tsar Alexandre III pour sa femme Maria Feodorovna. De Saint-Pétersbourg, Fabergé visait le marché international. Les représentants de la prestigieuse maison ne ménageaient pas leur peine pour vanter ses mérites et susciter une demande mondiale, de Londres à l’Extrême-Orient. Jusqu’à la Révolution russe de 1917, la marque a connu une croissance régulière et l’entreprise Fabergé la prospérité. Réputée pour le talent de ses maîtres joailliers, elle compta jusqu’à 500 employés, des modélistes et poseurs de pierres aux émailleurs et fabricants des élégantes boîtes en bois de bouleau doublées de soie, dans lesquelles les précieux objets étaient expédiés.
L’exposition met en lumière un riche savoir-faire artistique russe, peut-être peu connu du public occidental. Ce dernier a admiré et, s’il en avait les moyens, collectionné les célèbres animaux fantaisie en pierre dure et les fleurs délicates à partir du moment où Fabergé a ouvert une boutique à Londres en 1903. À Moscou, les principaux ateliers de Fabergé se sont inspirés de traditions russes profondément enracinées, de réalisations récentes et notamment d’objets spécifiques de l’armurerie historique du Kremlin.
Grâce à la tenue méticuleuse de ses archives au cours des cinq derniers siècles, le musée montre avec un grand sens du détail la manière dont les collections historiques du Kremlin ont inspiré les designers et les émailleurs locaux, en associant la source d’inspiration originale à sa relecture de la fin du XIXe siècle. Par exemple, un flacon à vin Ming monté en Russie à la fin du XVIe siècle, inscrit sur l’inventaire en 1808 comme appartenant au tsarévitch Ivan Ivanovitch, a été ingénieusement reproduit près d’un siècle plus tard par les bijoutiers de Khlebnikov, qui lui ont donné une nouvelle fonction de flacon posé sur un plateau, avec de petites tasses.
FABERGÉ CHERCHAIT À SATISFAIRE SES CLIENTS IMPÉRIAUX AVEC DES CRÉATIONS CONTEMPORAINES S’INSPIRANT DE L’HÉRITAGE RUSSE
Deux œufs de Pâques montrent comment les ingénieux bijoutiers de Fabergé cherchaient à satisfaire leurs clients impériaux avec des créations contemporaines s’inspirant de l’héritage russe. L’un d’entre eux, réalisé en 1906, possède un dôme en or coiffant un groupe de tours émaillées vertes et blanches, caractéristiques des églises russes. Un autre de 1900, signé de M.Perkhin et décoré de motifs traditionnels en émail russe, est entouré d’une carte de la Russie impériale montrant la nouvelle grande ligne de chemin de fer sibérienne, la plus longue du monde. Son petit train a des phares en diamant, une lampe en rubis et des fenêtres en cristal de roche. Cet œuf fut un cadeau du dernier empereur de Russie, Nicolas II, à sa femme Alexandra Feodorovna.
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« Carl Fabergé and Feodor Rückert. Masterpieces of Russian Enamel », jusqu’au 10 janvier 2021, Musées du Kremlin, Moscou, Russie.