Ce n’est pas le plus gros lot au menu de la vente proposée le 17 février chez Sotheby’s, mais il en dit long autant sur Christo et Jeanne-Claude que sur leurs amitiés. Au dos des deux assiettes de Bacon and Egg; Ice Cream, and Beef Steack, Claes Oldenburg a dédicacé l’œuvre (est. 40 000-60 000 euros) : « To Christos from Claes ». Ami des plus grandes figures artistiques du XXe siècle, le couple était aussi indissociable, en témoigne ce beau raccourci – « aux Christos ».
Après leur disparition, en 2009 pour Jeanne-Claude et en mai 2020 pour Christo, Sotheby’s disperse donc le contenu de leur appartement américain, riche en souvenirs. « Leur tandem a inauguré une nouvelle lignée de couples d’artistes qui signent simultanément leurs œuvres, l’une des marques de fabrique des plasticiens du XXe siècle, à l’image d’Anne et de Patrick Poirier. Christo imaginait les projets, les dessinait, faisait des maquettes. Jeanne-Claude s’occupait des relations avec les partenaires, les financiers, les institutions. Chacun à sa manière participait à l’accouchement de l’œuvre commune », souligne dans la revue de Sotheby’s, 76 Faubourg, Jack Lang, qui a notamment, en tant que ministre de la Culture, supervisé l’empaquetage du Pont Neuf en 1985.
« TO CHRISTOS FROM CLAES »
Plutôt que New York, Sotheby’s a donc choisi Paris pour cette vente, capitale où le Centre Pompidou les a célébrés l’an dernier, où Christo préparait l’empaquetage de l’Arc de Triomphe – reporté à l’automne de cette année – et où il s’était fait connaître avec un geste fort en 1962, en barrant la rue Visconti d’un mur de barils. Toutefois, les œuvres de Christo et Jeanne-Claude sont assez peu présentes dans la vente. Contournant les galeries, le tandem a longtemps vendu directement aux collectionneurs lors de dîners qu’il organisait, pour financer ses interventions in situ à grande échelle. Tels les célèbres Parasols (The Umbrellas), projet au crayon, au fusain et au pastel pour le Japon et les États-Unis de 1991, proposés ici dans « le plus grand format qui existe pour l’artiste pour toutes ses séries », explique le spécialiste de Sotheby’s, Eddie Hautchamp. Prévoyez de 200000à 300 000 euros pour la déclinaison en bleu et celle en jaune, et la même estimation pour le projet un peu plus petit pour le Pont Neuf. Sotheby’s en expose un autre, les fameuses Gates mais la maison l’a vendu en gré à gré. Le record pour Christo en ventes publiques a été atteint par Wrapped Objects (1961) chez Christie’s à Paris en 2014, à 481 500 euros. Sotheby’s vend un emballage de la même année sur une estimation de 100 000 à 150 000 euros. Mystère sur le contenu de ce paquet ! Il faudra sans doute débourser plus cher pour l’un des Store Front (devanture de magasin) en relief et éclairé (est. 200 000-300 000 euros), là aussi une œuvre de jeunesse, datant de 1964.
LA VACATION APPORTE SON LOT DE SURPRISES
L’autre point fort de la vente, qui pourrait emballer les collectionneurs, est constitué par les myriades de pièces le plus souvent échangées ou offertes à Christo. « Chaque œuvre a son histoire », résume Eddie Hautchamp. Ainsi, Fontana collectionnait déjà des œuvres de Christo avant que ce dernier ne lui achète une fente, « une des rares toiles brutes de Fontana », un choix radical de Jeanne-Claude (est. 300 000-500 000 euros). La vacation apporte son lot de jolies surprises, dont une barre colorée et ludique d’André Cadere (est. 80 000-120 000 euros), une Jackie de Warhol (est. 700 000 - 1 million d’euros) ou encore des variations sensuelles de Gordon Matta-Clark à partir de créations de Christo et plusieurs œuvres sur papier de Bernar Venet, mais aussi Saul Steinberg ou Nam June Paik… Remplie de jolies petites pièces signées de grands noms, la vente en ligne mérite elle aussi le détour…
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« Unwrapped, The Hidden World of Christo and Jeanne-Claude », Part I, le 17 février à 15 heures, Part II, en ligne, jusqu’au 18 février, Sotheby’s, 76, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris.