Selon le ministère de la Culture, « le soutien à la commande publique artistique concrétise la volonté de l’État (…) de diffuser la création contemporaine, d’enrichir notre cadre de vie et le patrimoine national, par la présence d’œuvres d’art en dehors des institutions spécialisées dans le domaine de l’art contemporain. » Lorsque lesdites institutions spécialisées demeurent malgré elles obstinément fermées et que les possibilités de rencontre collective de l’œuvre « en chair et en os », comme l’écrivait Theodor W. Adorno, se font terriblement rares, la question de la présence de l’art dans l’espace public semble plus urgente que jamais.
Loin d’incomber à la seule autorité publique, la diffusion en plein air de la création contemporaine et l’attention qui lui est portée connaissent ces derniers mois un fort regain. Le projet Titan par exemple, organisé par Damián Ortega et Bree Zucker avec leur galerie Kurimanzutto (Mexico/New York), permet à des artistes comme Minerva Cuevas, Zoe Leonard, Glenn Ligon, Yvonne Rainer et Patti Smith notamment, d’investir les vitrines de cabines téléphoniques, dans le quartier de Manhattan, à New York. Le Clark Art Institute à Williamstown (Massachusetts) inaugure, lui, sa première exposition en extérieur, « Ground/Work », avec des commandes de Nairy Baghramian, Eva LeWitt et Haegue Yang entre autres. Sur ses bâtiments et sur les quais mitoyens de la Tamise, le Southbank Center (Londres) propose quant à lui « Winter Light », un vaste ensemble d’œuvres lumineuses comprenant des installations de David Batchelor, Kota Ezawa, Tala Madani ou encore Tatsuo Miyajima.
De l’essentiel à la richesse du quotidien
La tradition de l’art dit « public » est longue, marquée par de nombreux écueils et lacunes, mais aussi par de nouveaux enjeux et des opportunités actuelles diverses, dans un contexte où, comme le rappelle l’architecte et urbaniste Chantal Deckmyn, il faut « comprendre à quel point l’espace public, dans ses vertus éducatives, civilisatrices, citoyennes, est en train de disparaître. »
Il s’agit, dans le périmètre autorisé, d’identifier ces formes riches et étonnantes qui nous entourent.
Ce contexte est aussi celui d’une crise au cours de laquelle l’injonction à « retrouver ce sens de l’essentiel » a presque immédiatement été éclipsée par la définition réductrice et foncièrement consumériste de « biens essentiels ». En somme, un rendez-vous manqué avec la fameuse « exception culturelle française ». Si des mesures nécessaires de soutien à la création ont bien été prises, la question de la réception s’est vue repoussée totalement ou presque dans des territoires numériques.
En attendant une reprise de la vie artistique pleinement incarnée, et la mise en place de des et agiles que durables et équitables, espérons-le, il nous revient d’affûter chacun notre regard. Il s’agit, dans le périmètre autorisé, d’identifier ces formes riches et étonnantes qui nous entourent, comme autant d’arts qui s’ignorent, à l’instar des « infrasculptures » relevées par Éric Tabuchi et Nelly Monnier dans leur « Atlas des régions naturelles » (atlasrn.fr). Celles-ci rejoignent, au sein de ce surprenant inventaire photographique en ligne, de remarquables monuments, édifices et paysages offerts à tous, librement en partage partout en France.