L’Allemagne s’achemine vers la restitution totale des bronzes pillés du Bénin présents dans ses collections publiques, a déclaré un responsable du ministère allemand des Affaires étrangères. Il pourrait être le premier pays à procéder à ces restitutions définitives au Nigeria.
Andreas Görgen, chef du département de la culture du ministère allemand des Affaires étrangères, s’est rendu à Benin City la semaine dernière pour s’entretenir avec le gouverneur de l’État d’Edo, Godwin Obaseki, et d’autres responsables nigérians. Selon les termes de l’accord, qui n’est pas encore finalisé, l’Allemagne devrait participer à des fouilles archéologiques dans la région, assurer la formation du personnel des musées nigérians, participer à la construction d’un nouveau musée au Bénin et restituer les sculptures et reliefs béninois pillés présents dans les collections des musées allemands, explique Andreas Görgen. Cet accord devrait être conclu d’ici l’été.
PRÈS DE VINGT-CINQ MUSÉES ALLEMANDS POSSÈDENT DES OBJETS PILLÉS AU BÉNIN
Godwin Obaseki a déclaré dans un communiqué : « Nous pensons que notre collaboration doit aller au-delà de la simple restitution des œuvres, et prendre en compte la signification et le sens de ces pièces dans notre histoire ». Il a ajouté que les partenaires nigérians ont créé un Fonds de restauration du patrimoine pour piloter ces projets, notamment un nouvel Institut du Bénin. Ce dernier, qui comprendra le musée royal, un espace d’exposition et un institut de recherche, sera installé dans un nouveau bâtiment conçu par l’architecte David Adjaye.
Les bronzes dits « du Bénin » (ils ne sont pas tous en bronze) sont devenus un symbole de la volonté des musées européens de restituer le patrimoine pillé en Afrique à l’époque coloniale. Les troupes britanniques avaient mené une expédition pour prendre Benin City en 1897 et ont dévasté le palais royal, saisissant des milliers de pièces, dont des reliefs, des sanctuaires et des objets en ivoire sculpté. Ces objets ont largement fait l’objet de commerce et ont été acquis par plusieurs musées européens.
La restitution des objets pillés s’inscrit dans le cadre de l’engagement pris en 2019 par le gouvernement allemand et les 16 Länder de créer les conditions nécessaires à la restitution des objets des collections publiques qui ont été prélevés « d’une manière qui est aujourd’hui injustifiable sur le plan juridique ou moral » dans les anciennes colonies, décrivant leur retour comme «un devoir éthique et moral». L’Allemagne a également mis en place un service d’assistance centralisé pour fournir des informations sur le patrimoine de l’époque coloniale et a engagé des fonds pour permettre aux musées de mener des recherches sur la provenance de leurs collections.
Près de vingt-cinq musées allemands possèdent des objets pillés au Bénin, notamment l’Ethnologisches Museum (musée ethnologique) de Berlin, le Museum für Völkerkunde de Dresde, le Grassi Museum de Leipzig, le Weltkulturen Museum (musée des cultures du monde) de Francfort, le Linden Museum de Stuttgart et le Museum am Rothenbaum de Hambourg.
LES PARTENAIRES NIGÉRIANS ONT CRÉÉ UN FONDS DE RESTAURATION DU PATRIMOINE POUR PILOTER NOTAMMENT UN NOUVEL INSTITUT DU BÉNIN
Les démarches entreprises par l’Allemagne auront des répercussions sur d’autres musées qui détiennent des trésors spoliés, notamment le British Museum à Londres et le musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris. « Le temps est révolu pour les musées de simplement ignorer les demandes africaines concernant les objets dont ils ont la garde, a déclaré Dan Hicks, conservateur au Pitt Rivers Museum d’Oxford et auteur de The Brutish Museums, un ouvrage consacré aux bronzes du Bénin. Nous sommes au début d’un processus beaucoup plus vaste. Il nous rappelle que les restitutions ne concernent qu’en partie la relation entre l’ancienne nation colonisatrice et l’ancienne nation colonisée. Les objets béninois spoliés se trouvent aujourd’hui dispersés partout dans le monde et le fait que l’Allemagne prenne cette mesure est salué unanimement ».
Le Humboldt Forum a apporté un correctif à un article publié dans le Süddeutsche Zeitung dans lequel son directeur, Hartmut Dorgerloh, aurait déclaré que la présentation des bronzes du Bénin dans le nouveau complexe muséal du centre de Berlin, comme prévu cet automne, était « désormais inenvisageable ». Dans une déclaration envoyée par courriel, le Forum Humboldt a souligné que «la décision de restituer les pièces n’avait pas été formellement prise». Toutefois, il cite Hartmut Dorgerloh déclarant que « les bronzes du Bénin ont été en grande partie acquis illégalement. Je partage la conviction qu’il doit y avoir et qu’il y aura des restitutions ». La présentation envisagée des sculptures béninoises « fait l’objet de discussions et sera décidée en accord avec nos interlocuteurs au Nigeria, a-t-il déclaré. Une chose est sûre, l’exposition traitera de l’injustice ».
Certains des musées allemands qui possèdent des objets pillés sont membres du Benin Dialogue Group, qui réunit des représentants du Nigeria et des responsables de musées d’Autriche, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Suède et du Royaume-Uni. Jusqu’à présent, les musées du groupe n’avaient accepté de ne restituer des œuvres pillées que dans le cadre de prêts temporaires au futur musée de Benin City.