En 1886, lorsque les aquarelles des Fables de La Fontaine par Gustave Moreau ont été exposées pour la dernière foire en Angleterre, le jeune George Bernard Shaw avait été très impressionné par ces illustrations fiévreusement colorées, réalisées pour accompagner les textes du poète français de XVIIe siècle. « Les amoureux de la littérature, qui ont été échaudés et agacés par les artistes devant l’exaspérante bêtise des illustrations courantes des textes des grands auteurs, ne seront pas déçus par Moreau, écrivait Shaw. La série des Fables de La Fontaine le place au même rang que des illustrateurs comme Delacroix et Burne-Jones. »
« LA SÉRIE DES “FABLES” DE LA FONTAINE LE PLACE AUMÊME RANG QUE DES ILLUSTRATEURS COMME DELACROIX ET BURNE-JONES »
Il y a longtemps que le public n’a pas eu l’occasion de réévaluer ce jugement. Mais toutes les illustrations des Fables qui ont survécu sont sur le point d’être exposées à Waddesdon Manor, un manoir du National Trust ayant appartenu à la famille Rothschild, plus d’un siècle après leur dernière apparition en public.
Cette série de 64 illustrations a été commandée par le riche mécène de Gustave Moreau, Antony Roux. À sa mort en 1913, elles ont été acquises pour 300 000 francs de l’époque par Miriam Alexandrine de Rothschild, la fille du célèbre collectionneur Edmond de Rothschild, elle même grande collectionneuse, comme l’ont révélé les recherches de Juliet Carey, commissaire de l’exposition.
Miriam Alexandrine de Rothschild a fait don d’une aquarelle au musée Gustave Moreau à Paris, installé dans l’ancienne maison et atelier de l’artiste, et où l’exposition se rendra cet hiver. Mais près de la moitié de cet ensemble a été spoliée par les nazis dans l’appartement parisien de la collectionneuse et dans une autre propriété de la famille Rothschild. Les 34 œuvres restantes, présentées dans l’exposition, ont été prêtées par l’une des collections familiales.
CETTE SÉRIE D’ILLUSTRATIONS A ÉTÉ COMMANDÉE PAR LE MÉCÈNE DE GUSTAVE MOREAU, ANTONY ROUX
Gustave Moreau n’a jamais retrouvé l’aura qui fut la sienne de son vivant, celui qui fut professeur d’artistes tels qu’Henri Matisse était alors considéré comme un visionnaire. La palette de Moreau a été un jour comparée par l’un de ses contemporains à celle d’un bijoutier qui « ivre de couleurs… aurait broyé rubis, saphirs, émeraudes, topazes, perles et nacre ». Certains pourraient aujourd’hui penser que leur brillance est un peu trop étourdissante, il est peut-être temps cependant que son œuvre étincelle à nouveau.
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« Gustave Moreau : les Fables », du 16 juin au 17 octobre, Waddesdon Manor, Aylesbury, Royaume-Uni.