Le provisoire, comme son nom l’indique, ne dure qu’un temps. Seize jours très exactement. C’est, en moyenne, la durée de vie des œuvres imaginées par les artistes Christo (1935-2020) et Jeanne-Claude (1935-2009), lorsqu’elles prennent place dans l’espace public. Ce fut le cas lors de l’« empaquetage » du Pont Neuf, à Paris, en 1985, mais aussi de celui du Reichstag à Berlin, en 1995, ou de l’installation The Gates, dans Central Park, à New York, en 2005. Ce fut aussi la durée de vie du récent projet L’Arc de Triomphe, Wrapped, déployé, à Paris, du 18 septembre au 3 octobre 2021.
« CE SONT PRÈS DE 700 MILLIONS DE PERSONNES DANS LE MONDE QUI ONT ÉTÉ EXPOSÉES MÉDIATIQUEMENTÀ L’ÉVÉNEMENT »
Les estimations sur l’impact de cette œuvre éphémère ont été dévoilées, le 9 novembre, par l’Observatoire de l’Office de tourisme et des congrès de Paris (OTCP). Premier chiffre mis en avant, évidemment tant il étonne, c’est celui de la… fréquentation : 6 millions de visiteurs sont venus admirer L’Arc de Triomphe, Wrapped, soit un million de plus que le Reichstag, à Berlin, et deux de plus que The Gates, à New York. « L’art contemporain a cette vertu de bousculer, mais pour beaucoup de visiteurs, ce fut un enchantement », estime Carine Rolland, adjointe à la Maire de Paris en charge de la Culture. Mieux, selon Corinne Menegaux, directrice générale de l’OTCP, « ce sont près de 700 millions de personnes dans le monde qui ont été exposées médiatiquement à l’événement », autrement dit, qui ont découvert l’œuvre à travers médias et réseaux sociaux, dont « 270 millions par le seul biais de Twitter », d’après les mesures de la firme de veille stratégique Meltwater, experte ès « impact médiatique ».
SUR LES 6 MILLIONS DE VISITEURS « EN PRÉSENTIEL», 3,2 ÉTAIENT DES « TOURISTES » (OU NON RÉSIDANTS EN ÎLE-DE-FRANCE, NDLR) ET 1,1 MILLION SONTVENUS DE MANIÈRE INTENTIONNELLE
Sur les 6 millions de visiteurs « en présentiel », 3,2 étaient des « touristes » (ou non résidants en Île-de-France, ndlr) et 1,1 million sont venus de manière intentionnelle, c’est-à-dire avec pour principale motivation de voir l’œuvre du couple Christo. Selon des données fournies par Orange et par son dispositif de comptage « Flux Vision », le tourisme, à Paris, durant la présentation de l’Arc de triomphe empaqueté, a connu une augmentation globale de 19,3 %. Parmi les pays d’origine des visiteurs, sur le podium, on retrouve, dans l’ordre, l’Allemagne (19 %), les États-Unis (14,5 %), l’Espagne (6 %) et le Royaume-Uni (4,5 %). « L’ensemble de ces visiteurs a généré des recettes touristiques estimées à 235 millions d’euros », indique Corinne Menegaux.
La tonalité des articles parus sur la manifestation fut le plus souvent neutre (66 %), car informative. D’ailleurs, les publications à caractère positif (17 %) s’équilibrent, paraît-il, avec celles à caractère négatif (16 %). La démarche artistique de Christo et Jeanne-Claude n’est donc pas exempte d’interrogations, ce qui, finalement, est une bonne nouvelle.
Ce projet, d’un coût de 16 millions de dollars – environ 14 millions d’euros – a été, selon Vladimir Yavachev, neveu de Christo et « patron » de l’événement, « entièrement autofinancé par l’Estate de Christo V. Javacheff », grâce à la vente, chez Sotheby’s notamment, de pièces originales des artistes (œuvres, dessins préparatoires, collages, maquettes, lithographies…). Le budget comprenait : la planification, l’ingénierie, la construction, le personnel – en tout, quelque 1 200 personnes impliquées –, l’entretien, enfin, la « désinstallation » de l’œuvre, opération qui a eu lieu du 4 octobre au 10 novembre.
TOUS LES MATÉRIAUX EMPLOYÉS SERONT « RECYCLÉS, RÉUTILISÉS, VOIRE "UPCYCLÉS" »
Le vocable « recyclage » semble être le maître-mot de ladite « désinstallation ». Tous les matériaux employés seront « recyclés, réutilisés, voire ’’upcyclés’’ », en bon français. Ainsi, les quelque 25 000 m2 de textile bleu-argent et les 3 000 mètres de corde rouge, tous deux en polypropylène, ont été offerts à la plate-forme Parley for the Oceans et 100 % des bénéfices tirés de la vente de ces matériaux iront financer divers projets de cette organisation internationale de protection de l’environnement qui lutte, en particulier, contre la pollution marine.
« Issu de chez Arcelor-Mittal, l’acier qui servait de ballast, soit 40 %, sera retourné à l’entreprise, tandis que le reste des éléments en métal sera entièrement recyclé, explique Vladimir Yavachev. Neutraliser l’empreinte carbone d’un projet est, en réalité, une manière de faire que Christo et Jeanne-Claude avaient mis en place très tôt, dans les années 1970, avec la réutilisation des matériaux une fois l’œuvre achevée. »
Selon l’OTCP, « au regard de l’analyse des données, l’impact de l’empaquetage de l’Arc de triomphe sur la fréquentation touristique de Paris apparaît donc comme évidente. » Enfin, proposé par l’application Bloomberg Connects, un guide numérique gratuit sur l’œuvre de Christo et Jeanne-Claude a été téléchargé par plus de 10 000 utilisateurs.