L’exotisme était à l’ordre du jour au château de Versailles à son apogée, où les réinterprétations françaises de la chinoiserie et de la turquerie vaguement ottomane se disputaient la vedette dans les appartements privés des rois, de leurs consorts, de leurs maîtresses et de leurs familles.
Cette réutilisation de motifs lointains a laissé sa marque sur les objets des collections royales françaises conservés à Versailles, qu’il s’agisse d’un vase en porcelaine chinoise monté de bronze au milieu du XVIIIe siècle, vraisemblablement utilisé comme fontaine à parfum par Madame de Pompadour, ou des scènes de harem sur des panneaux en porcelaine de Louis XVI datant de la fin du XVIIIe siècle, autrefois exposées dans une chambre avec ses objets en or les plus précieux.
Du 26 janvier au 4 juin, 100 de ces pièces, qui évoquent la vie de château dans toute sa splendeur prérévolutionnaire, sont réunies pour une exposition au Louvre Abu Dhabi. « Versailles & le monde » s’appuie sur les collections du Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, avec des prêts exceptionnels du Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, en Russie, et du Royal Collection Trust au Royaume-Uni.
Louis XIV a transféré en 1682 la cour de France de Paris à Versailles, l’ancien relais de chasse de son père Louis XIII étant transformé en chef-d’œuvre de l’Ancien Régime européen. Contrairement à ses cours rivales des empires chinois et ottoman, Versailles était ouvert sur le monde, affirme Bertrand Rondot, conservateur en chef au château de Versailles, et co-commissaire de l’exposition avec Hélène Delalex. « Versailles était ouvert à tous, explique le conservateur, sans distinction de classe ou de statut ».
Dans l’une des premières œuvres de l’exposition, la peinture à l’huile Vue du château de Versailles et de l’Orangerie (vers 1695), attribuée au peintre topographique français Étienne Allegrain, Versailles est dépeint comme une attraction touristique.
LA PLUPART DE L’ARGENTERIE ROYALE A ÉTÉ FONDUE POUR FINANCER LES GUERRES DE LOUIS XIV
Une première version de cette exposition a été présentée à Versailles en 2017, puis au Metropolitan Museum of Art de New York en 2018, mais elle n’incluait pas certaines œuvres importantes comme le Portrait de Piotr Potemkin (1682). Ce dernier, ambassadeur de Russie, s’est rendu à Versailles en 1681, puis à Londres l’année suivante, où le peintre à la cour britannique Godfrey Kneller a réalisé son portrait. Pendant la Révolution française, les collections royales ont commencé à être vendues aux enchères, et nombre de ces pièces témoignent de ces temps où elles ont failli disparaître. Parmi elles figure une délicate verseuse en argent du XVIIe siècle d’origine chinoise, apportée à Versailles en 1686 parmi un ensemble de milliers de pièces offertes par les ambassadeurs du roi de Siam à la cour de Louis XIV. « C’est un objet très fin mais très petit, la cour française en a été assez déçue », commente Bertrand Rondot. La pièce qui mesure 18 centimètres de haut, utilisée en Chine pour verser de l’alcool blanc, ne pouvait pas rivaliser face au mobilier en argent massif de Versailles et elle a été rapidement mise en réserve.
La plupart de l’argenterie royale a été fondue pour financer les guerres de Louis XIV et les pièces qui avaient subsisté n’ont pas survécu à la Révolution française. La verseuse a échappé à ce sort et a été ensuite acquise par une famille française à l’époque napoléonienne, puis par le Musée du château de Versailles en 2018. Elle est exposée au Louvre Abu Dhabi comme un symbole de l’ouverture au monde originelle de Versailles, conclut Bertrand Rondot.
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« Versailles & le monde », du 26 janvier au 4 juin, Louvre Abu Dhabi, Abou Dhabi, Émirats arabes unis.