Le discret dessinateur mondialement connu est mort le 11 août. Créateur du personnage du Petit Nicolas avec René Goscinny en 1955, il est l’auteur de mémorables « unes » du magazine américain The New Yorker. Au fil de ses albums, au rythme d’un par an depuis 1962 jusqu’en 2015, et de multiples collaborations dans la presse (Paris Match, L'Express, Le Nouvel Observateur, Télérama...), sa plume alerte n’a cessé de saisir l’air du temps. Observateur amusé du monde qui l’entoure, attentif au moindre détail, Sempé croque les travers de l’époque avec esprit – d’une légèreté acérée – et élégance, sur le papier comme à la ville ; satiriste autant que sociologue, passé maître dans l’art de manier la litote pour « trouver la note juste ». Son regard doucement mélancolique sur la vie ordinaire y décèle chaque fois sa part d’extraordinaire. Né le 17 août 1932 à Pessac (Gironde), marqué par une enfance bordelaise qu’il qualifiait volontiers de « lugubre et un peu tragique », sous l’emprise d’un père adoptif porté sur la boisson, il fait ses débuts en 1950 en plaçant des dessins dans Sud-Ouest Dimanche.
À Paris, qui lui inspirera d’innombrables et savoureux croquis, il se passionne pour le jazz, rencontre Goscinny après Chaval et Savignac, fréquente Françoise Sagan et Brigitte Bardot dans les nuits de Saint-Germain-des-Prés... En 1988, il signe l’album Catherine Certitude avec Patrick Modiano, prix Nobel de littérature en 2014. « Je m’en aperçois des années après : je peux dessiner une vieille dame dans la rue ou sur un vélo, et ce peut être moi de façon déguisée. Parce qu’elle porte avec elle la même incertitude que je ressens chaque matin devant ma table de travail », confiait-il à la fin de sa vie.