Tous les regards sont tournés vers les événements liés au marché de l’art à Séoul cette semaine d’ouverture de Frieze (du 2 au 5 septembre), mais la ville possède également l’un des réseaux de musées les plus étendus et les mieux pourvus financièrement d’Asie, dont beaucoup organisent des expositions ambitieuses pour l’arrivée du monde international de l’art dans la capitale. Des institutions nationales aux espaces privés, voici six expositions à découvrir lors de votre passage à Séoul.
« MMCA Lee Kun-Hee Collection : Lee Jung Seob »
Le don de la vaste collection d’art de Lee Kun-Hee, président de Samsung, au Musée national d’art moderne et contemporain de Séoul (MMCA) en 2021 – pour payer un montant de 10 milliards de dollars de droits de succession – a été un coup de maître pour le musée. Parmi les pièces maîtresses de la collection figurent environ 80 œuvres du peintre Lee Jung Seob, réalisées entre les années 1940 et 1950. Ces dernières sont présentées aux côtés de dix œuvres faisant déjà partie de la collection du musée à l’occasion de la première grande exposition personnelle de l’artiste depuis six ans. Deux peintures, Poulet et poussins et Enfants jouant dans l’eau, toutes deux des années 1950, seront montrées au public pour la première fois.
Dans son style caractéristique – des scènes pastorales aux épais coups de pinceau fauves –, Lee Jung Seob aborde la guerre de Corée, qui a bouleversé sa vie personnelle, l’obligeant à envoyer sa femme et ses deux enfants au Japon pour les mettre en sécurité. C’est à cette époque que le peintre réalise ses œuvres les plus intimes, dont un certain nombre sur papier et papier d’aluminium qu’il envoie à sa famille. On peut trouver des preuves de sa tendresse paternelle dans la peinture des années 1950 Deux enfants, un poisson et un crabe, qu’il a dupliquée pour éviter que ses enfants ne s’en disputent la propriété. Des lettres d’amour à sa femme, illustrées d’images de fleurs et détaillant son sentiment de solitude, sont également incluses dans le parcours. Lee Jung Seob est mort d’une hépatite, seul, en 1956 ; sa femme est toujours en vie.
« MMCA Lee Kun-Hee Collection : Lee Jung Seob », jusqu’au 23 avril 2023, MMCA.
« Hito Steyerl - A Sea of Data »
Il semble étrange qu’il ait fallu attendre aussi longtemps pour que Hito Steyerl bénéficie d’une exposition personnelle en Corée du Sud. L’artiste, qui explore la manière dont les images sont diffusées dans un monde de plus en plus globalisé et dépendant de la technologie, semble tout à fait à sa place dans un pays où la vitesse de l’Internet haut débit est fulgurante et où le réseau de vidéosurveillance est parmi les plus étendus au monde.
Cette vaste et ambitieuse exposition couvre trois décennies de sa pratique, des œuvres vidéo documentaires des années 1990 sur l’identité allemande à une nouvelle installation vidéo à quatre canaux commandée par le MMCA, qui aborde l’écologie, l’économie keynésienne et les NFT. Parmi les autres œuvres, citons The Tower (2015), une installation immersive sur un jeu vidéo qui s’inspire des plans non réalisés de Saddam Hussein pour reconstruire la tour de Babel à Babylone.
« Hito Steyerl - A Sea of Data », jusqu’au 18 septembre 2022, MMCA.
« Do Ho Suh and Children : Artland »
Les expositions sont de plus en plus adaptées aux enfants, mais peu d’entre elles se concentrent sur les pensées et la créativité des jeunes esprits comme ce nouveau projet en cours de Do Ho Suh, conçu en collaboration avec ses deux filles, toutes deux âgées de moins de 13 ans. Depuis 2016, le trio construit Artland : un pays fantastique composé de fermes, de rivières et d’îles, ainsi que de la faune et de la flore imaginaires qui les habitent, le tout réalisé en pâte à modeler pour enfants multicolore. Selon Do Ho Suh, ce monde est neutre en termes de genre et dépourvu de gouvernement central.
Le trio ouvre maintenant Artland au public, invitant les jeunes visiteurs à ajouter leurs propres créations à la structure à partir d’argile fournie par le musée. À bien des égards, cette exposition conceptuellement audacieuse, mais tout à fait accessible, s’écarte des grandes œuvres textiles de Do Ho Suh, minutieusement exécutées et recréant ses anciennes maisons, qui ont fait de lui l’un des artistes coréens les plus reconnus au niveau international. Toutefois, des parallèles existent entre Artland et la pratique plus connue de Do Ho Suh, qui traite de l’impermanence et de la fragilité des maisons, et de la relation du corps à l’espace.
« Do Ho Suh and Children : Artland », jusqu’au 12 mars 2023, Seoul Museum of Art.
« Korakrit Arunanondchai : Songs for Dying / Songs for Living »
L’artiste thaïlandais Korakrit Arunanondchai a présenté en grande pompe son installation vidéo Songs for Dying (2021) lors de l’édition 2021 de la Biennale de Gwangju. Cette œuvre dense, qui aborde la mort de son grand-père, le massacre de Jeju en 1948 et les récentes manifestations étudiantes à Bangkok, revient aujourd’hui en Corée du Sud dans le cadre de la première exposition personnelle de l’artiste dans le pays.
Au Centre ArtSonje – un espace d’art pionnier créé il y a 24 ans à Séoul et dont le programme est axé sur l’international –, elle est présentée aux côtés d’une autre installation vidéo, Songs for Living (2021). Cette dernière a été réalisée en collaboration avec le directeur de la photographie Alex Gvojic, basé à New York, qui crée des environnements « hyperréalistes » en vue d’instiller le doute chez les spectateurs. Les deux œuvres sont présentées dans un espace que la commissaire Sunjung Kim a comparé à un « théâtre inversé », dans lequel les positions du public et de l’interprète seront interverties.
« Korakrit Arunanondchai : Songs for Dying / Songs for Living », jusqu’au 30 octobre 2022, ArtSonje Center,.
« Cloud Walkers »
La première exposition panasiatique organisée par le Leeum Museum of Art, musée privé de la Fondation Samsung, rassemble des œuvres de 24 artistes ou collectifs qui témoignent de la rapide ascension culturelle du continent au cours des dernières décennies. Nombre de ces œuvres évoquent un sentiment d’avenir, que ce soit dans leurs préoccupations thématiques ou, dans le cas de la réalité virtuelle, dans leur forme. La Floating Bamboo House de l’architecte vietnamien Doàn Thanh Hà, une grande structure faite de bambou et de bouteilles en plastique recyclées, souligne la façon dont les architectes et les créatifs asiatiques sont à l’avant-garde pour repenser le logement et l’urbanisme dans une perspective de durabilité.
« Cloud Walkers », du 2 septembre 2022 au 8 janvier 2023, Leeum Museum of Art.
« Summer Love »
Il s’agit de la quatrième édition de « Summer Love », une exposition collective d’artistes émergents, principalement coréens, organisée par le centre d’art à but non lucratif SongEun, qui s’est installé l’année dernière dans un impressionnant bâtiment conçu par Herzog & de Meuron. Pour cette manifestation, treize artistes ayant déjà exposé avec SongEun ont été invités à présenter une œuvre. En l’absence de véritable fil conducteur, si ce n’est qu’ils ont tous moins de 35 ans, l’exposition n’est pas thématique mais permet davantage de se familiariser avec des artistes locaux passionnants. Parmi les points forts de l’exposition, citons la vidéo de Minsook Kang sur les arbres de Noël plantés illégalement et la peinture de Hana Kim basée sur le tissu d’un tapis de yoga qu’elle incorpore.
« Summer Love », jusqu’au 24 septembre 2022, SongEun Art Centre.