Qu’il fait bon d’entendre à nouveau parler anglais, espagnol ou italien dans la quarantaine de galeries participant à cette 21e édition du Parcours des Mondes ! Comme s’il fallait conjurer l’ambiance chaotique de la politique internationale, les ruelles de Saint-Germain-des-Prés semblent se métamorphoser en mini-Tour de Babel et offrent une image singulièrement plus poétique de la diversité du génie humain…
Si cette année, les marchands s’autorisent de plus en plus des rapprochements inédits avec l’art contemporain (telle l’exposition « Résonance » à la galerie Gradiva, quai Voltaire, imaginée par Bernard Dulon et la galerie Enrico Navarra, croisant l’art Kongo avec Jean-Michel Basquiat), que les aficionados de la première heure du Parcours se rassurent ! Ils pourront aussi se frotter l’œil à une pléiade d’expositions plus « classiques » mettant en lumière une région d’Afrique ou d’Océanie.
Ainsi, l’art de la région du lac Sentani, sur la côte nord-ouest de la Nouvelle-Guinée, a les honneurs d’une magnifique petite exposition conçue par Jean-Édouard Carlier dans sa deuxième galerie située au numéro 20 de la rue Mazarine. On y admirera, entre autres, une spatule à chaux surmontée d’un manche en forme de figure humaine d’une extrême élégance, que les chefs utilisaient exclusivement à des fins rituelles. De son côté, la galerie Entwistle présente une monumentale sculpture en bois de la même région dont le pedigree exceptionnel (elle provient de la célèbre mission de Jacques Viot qui l’a acquise sur place en 1929) explique son prix : 950 000 euros.
En écho à l’exposition du musée du quai Branly-Jacques Chirac consacrée aux massues du Pacifique, la galerie Meyer déploie, quant à elle, une panoplie de ces objets de guerre et de prestige, dont les prix oscillent de 1 850 euros (pour une pièce aborigène) à 42 000 euros (pour une massue des îles Fidji). Alexandra Pascassio et Davide Manfredi proposent, quant à eux, une poétique incursion dans les arts de Bornéo : parmi les pièces délicates que le couple a dénichées, on admirera cette rarissime boîte à plumes Dayak dont le prix demeure confidentiel…
Réduite à portion congrue, l’Asie est néanmoins joliment représentée par la galerie Mingei qui, aux côtés de ses habituels bambous contemporains, présente quelques pièces archéologiques, telle cette flamboyante jarre de l’époque Jômon (13 000 av. J.-C. - 400 av. J.-C.) ou ces deux haniwa en terre cuite de la période Kofun (IIIe-VIIe siècles) dont la valeur n’excède pas les 15 000 euros. On peut également acquérir une ravissante figure d’autel votif népalaise chez Alain Bovis pour la somme « modique » de 25 000 euros.
Mais comme à l’accoutumée, c’est l’Afrique qui se taille la part du lion au Parcours avec un éventail d’œuvres et de prix aptes à séduire tous les types de collectionneurs. Abla et Alain Lecomte présentent ainsi un séduisant florilège de masques à heaume Sowei du peuple Mandé à la belle patine sombre et encore auréolés, pour certains, de leur « manteau » de fibres. Encore trop longtemps dédaignés, ces objets séduisent pourtant par leur force plastique et leurs prix très raisonnables : entre 3 500 et 15 000 euros.
Chez Lucas Ratton, c’est la figure du singe Baoulé qui règne en majesté ! Sur les 26 exemplaires exposés, seuls huit sont à vendre, dont une exceptionnelle sculpture provenant de la collection Michel Périnet, dont le prix atteint les 400 000 euros – elle ne provient pas de la vente de la collection chez Christie’s de 2021.
On se consolera en dénichant quelques objets plus « raisonnables », comme cette très touchante sculpture Mumuye du Nigeria repérée chez Alain de Monbrison (à 15 000 euros), ou ce très rare et très beau serpent Lega en Ivoire admiré chez Bernard de Grunne (45 000 euros). Plus que jamais, le Parcours mise sur la diversité.
Parcours des Mondes, jusqu’au 11 septembre, quartier de Saint-Germain-des-Prés, Paris.