Fratelli d’Italia, le parti populiste de la droite dure dirigé par Giorgia Meloni, avait présenté ses plans pour « transformer » le secteur artistique italien avant les élections générales du 25 septembre. Ses propositions visant à dépoussiérer les pièces stockées dans les réserves, à réduire la bureaucratie pour les prêts d’œuvres d’art et à augmenter le nombre de visiteurs ont été applaudies par ses alliés politiques. D’autres, en revanche, se sont inquiétés des promesses de « défendre la mémoire historique de l’Italie » et de combattre « la cancel culture et l’iconoclasme », les comparant aux politiques de certains des nationalistes les plus véhéments d’Europe.
Avec le triomphe de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni devrait former un gouvernement de coalition dans le cadre d’une alliance de droite comprenant des partis tels que la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi. Le parti, issu de l’Alliance nationale (qui a succédé au parti post-fasciste MSI), avait promis avant les élections de protéger les « valeurs chrétiennes » et de fermer les ports italiens aux immigrants illégaux. Sous le titre « Culture et beauté : notre renaissance », son programme culturel déclare que les arts seront un « point stratégique cardinal » d’un gouvernement dirigé par Giorgia Meloni. Il propose d’introduire des lois plus sévères à l’encontre de ceux qui endommagent le patrimoine, comme les statues, dans le cadre des efforts du parti pour combattre « l’intolérable et répandue idéologie anti-occidentale » de la « cancel culture » ; il engage également le parti à promouvoir le prochain jubilé catholique, en 2025, et « la Rome du christianisme ».
Federico Mollicone, le stratège culture du parti, a déclaré à The Art Newspaper que l’intention de Fratelli d’Italia est de créer un nouvel « imaginaire collectif » italien en investissant dans la culture et l’éducation. Dans le cadre de ses réformes muséales de 2014, Dario Franceschini, le ministre italien de la Culture sortant, a nommé un certain nombre de directeurs non italiens très en vue. Interrogé pour savoir si Fratelli d’Italia allait poursuivre cette politique, Federico Mollicone a déclaré que les futurs directeurs de musée seraient choisis « au mérite », ajoutant : « Les étrangers sont les bienvenus, mais il y a aussi de très bons Italiens ; nous avons besoin de règles du jeu équitables. »
Parmi les autres propositions, citons la réduction de la TVA sur les services culturels à 4 % (au lieu de 22 %), ce qui, selon Fratelli d’Italia, permettrait de réduire le prix des billets et d’attirer les Italiens dans les musées ; l’incitation au mécénat en faveur de la conservation du patrimoine par des réductions d’impôts sur les projets de restauration et de rénovation ; la promotion de la collaboration entre les institutions privées et publiques pour « maximiser le potentiel culturel de l’Italie », et l’ouverture de sites du patrimoine actuellement inaccessibles. Federico Mollicone a déclaré que son parti réduirait également les formalités administratives des musées et récompenserait ces derniers pour la numérisation de leurs collections et la promotion de leur travail en ligne.
Federico Mollicone, qui a organisé de nombreuses expositions majeures et des événements artistiques communautaires alors qu’il était président de la commission de la Culture de la Ville de Rome de 2008 à 2013, a récemment demandé à la RAI, le réseau de radiodiffusion national italien, d’interdire le dessin animé Peppa Pig qui avait inclus un couple homosexuel parmi ses personnages. Il a également accusé le Festival du film de Venise, qui fait partie de la Biennale, de diffuser de la propagande politique.
Dans un entretien accordé au site d’information AgCult, Federico Mollicone a déclaré que Fratelli d’Italia instituerait une journée de commémoration pour le Marocchinate – le viol et le massacre de civils italiens par des soldats goumiers marocains pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a également fait référence à la Tombe du Soldat inconnu, un mémorial de guerre à Rome que Benito Mussolini a adopté comme symbole nationaliste.
Tomaso Montanari, historien de l’art et éminent commentateur culturel, a déclaré dans un entretien que la référence au Marocchinate était « un exemple particulièrement grave de racisme qui donne la chair de poule ». Les références à la Rome chrétienne laisseraient entrevoir l’islamophobie, tandis que les propositions visant à modeler l’imaginaire italien « sont l’apanage des dictatures », a-t-il ajouté. L’utilisation de la culture pour promouvoir l’idéologie nationaliste fait écho aux politiques de Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, et Vladimir Poutine en Russie, a-t-il averti.
En 2020, des manifestants ont dégradé à Milan la statue d’Indro Montanelli (1909-2001), journaliste et colonialiste qui avait acheté et épousé une jeune fille érythréenne de 12 ans, suscitant un vif débat sur la commémoration de personnalités controversées. Alessandra Ferrini, artiste et chercheuse en postcolonialisme, a déclaré qu’en confondant les termes « iconoclasme » et « cancel culture », Fratelli d’Italia dépeint les militants anticolonialistes et antiracistes comme des ennemis de l’État. Selon elle, le programme du parti populiste est traversé par un langage et un symbolisme nationalistes.
Vittorio Sgarbi, l’historien de l’art qui a été secrétaire d’État à la Culture de Silvio Berlusconi, a déclaré dans un entretien qu’il avait « adhéré » au programme culturel de Fratelli d’Italia. Citant Denis Mahon, le collectionneur et érudit britannique décédé qui a fait campagne pour la gratuité de l’accès aux musées du Royaume-Uni, il a ajouté que l’Italie devrait supprimer complètement les billets d’entrée pour les Italiens tout en faisant payer les touristes étrangers.