« Nous avons conscience de l’importance de ce coup d’essai, de la curiosité des marchands étrangers qui vont venir saisir l’ambiance, se questionner sur leur éventuelle candidature pour la prochaine édition, reconnaît Louis de Bayser, président de la manifestation. De notre côté, nous sommes fermement déterminés à maintenir le cap, à nous assurer que la qualité des objets soit au rendez-vous et que l’atmosphère soit porteuse.»
Au cours de ses précédentes éditions, Fine Arts Paris a bénéficié d’un remarquable capital sympathie et surtout de l’émulation des marchands français, décidés à chouchouter ce Salon qui attirait de nombreux conservateurs de musée français, suisses, belges et suédois, mais aussi une clientèle très européenne. Les Américains ne tarderont pas à venir – c’est la leçon que les organisateurs tirent du Salon du dessin –, mais les collectionneurs français, suisses et belges sont un atout de poids. « Cette base, explique l’antiquaire Benjamin Steinitz, est absolument formidable pour nous. Ce sont des érudits, des passionnés, ce qui nous permet d’avoir des rencontres et des échanges riches à l’occasion du Salon. Et le contexte est extrêmement favorable. Cette très forte résurgence de l’intérêt pour les arts décoratifs classiques en France est de plus en plus évidente. Le fait que certains de nos hôtels particuliers, certains de nos grands monuments historiques soient rachetés par des Français décidés à les meubler dans les règles de l’art est un signal fort. »
Le Belge Didier Claes, qui a cessé de participer à la Tefaf Maastricht après treize éditions, partage cet enthousiasme et croit fermement aux chances de ce nouveau Salon. « Dans le domaine des arts africains, la France est depuis toujours un terroir de collectionneurs très actifs, mais, depuis quelques années, Paris est tout simplement devenue la capitale où se donnent rendez-vous tous les collectionneurs d’art africain grâce au dynamisme du musée du quai Branly–Jacques Chirac, mais aussi au nombre de galeries de très haut vol, analyse-t-il. Une jeune génération a su renouveler l’offre. Il y a dix ans, lors de ma dernière participation à la Biennale de Paris, au moment où elle était encore la plus prestigieuse Foire au monde, Paris brillait de mille feux. Puis il y a eu un moment de latence. » Et de conclure : « Mais je n’ai jamais trouvé à Maastricht ce que je recherchais. C’était une illusion, belle, mais une illusion. Depuis la création de la Tefaf New York, les collectionneurs américains ont délaissé Maastricht, et la clientèle hollandaise n’a jamais été portée vers les arts africains. Nous pâtissions également de la répartition par spécialités, qui nous isolait dans un coin. Ce sont tous les marchands de tableaux anciens qui avaient les meilleurs emplacements. Paris a retrouvé sa place de premier choix depuis deux ou trois ans. Je rêvais d’un grand salon d’antiquaires d’envergure internationale, le voici ! Et, bien sûr, je voulais faire partie de cette mouvance. »
L’ESPRIT D’ÉQUIPE
Comment monter en gamme et faire du Salon parisien un rendez-vous incontournable ? C’est la question à laquelle s’attellent Louis de Bayser et ses collègues qui ont multiplié les échanges et les consultations au cours de l’année qui vient de s’écouler. « Il est impératif de favoriser la
constitution de pools par spécialités, explique-t-il. Dès lors que nous réunissons quatre ou cinq marchands sérieux dans un domaine, nous proposons une véritable offre de qualité qui incite les clients, français et étrangers, à faire le déplacement. Et nous montons en gamme et en audience grâce à l’ouverture vers d’autres secteurs, tout en restant très sélectifs. »
Guillaume Léage, aujourd’hui à la tête de la galerie Léage fondée par son père en 1972, est convaincu de cette nécessité de favoriser une « concurrence saine ». « Historiquement, nous avons toujours participé à trois Salons : la Biennale de Paris, la Tefaf Maastricht et la Brafa Art Fair à Bruxelles, déclare-t-il. Nous nous sommes retirés de la Biennale parce que nous n’y trouvions plus cette stimulation, indispensable pour nous, mais aussi pour nos clients. En tout cas, et c’est prouvé, le monopole ne fonctionne pas sur le marché de l’art et encore moins sur un Salon. Avec ce nouvel événement, qui permet de rapprocher une manifestation historique d’un Salon montant, nous croyons beaucoup à cette (re)création d’une dynamique et d’une émulation. Et plus nous sommes nombreux par domaines de spécialités, plus nos clients feront le déplacement. ».
UNE PERCÉE VERS L’ART CONTEMPORAIN
Fine Arts Paris & La Biennale 2022 fait la part belle aux « beaux-arts anciens » et au XIXe siècle. Notons l’arrivée du Britannique Charles Beddington Ltd. et de l’enseigne belge Costermans & Pelgrims de Bigard. Spécificité de Fine Arts Paris, la sculpture est aussi à l’honneur, avec les galeries parisiennes Ratton-Ladrière, Trebosc & Van Lelyveld, Xavier Eeckhout, Malaquais, Sismann, Univers du bronze ainsi que la Turinoise Chiale Fine Art. Dans le secteur des arts décoratifs, le Salon présente un vaste florilège, avec des figures bien connues comme les galeries Léage, Perrin, Steinitz (Paris), Francis Janssens van der Maelen (Bruxelles) ou encore Brun Fine Art (Londres), mais également les galeries parisiennes Oscar Graf, Royal Provenance, Pascal Izarn, spécialiste des objets montés, ou Carolle Thibaut-Pomerantz, celle des papiers peints. Dans le domaine des livres, des autographes et des estampes, six exposants sont inscrits, dont les librairies parisiennes Clavreuil et Camille Sourget ainsi qu’un exposant anglais et un autre allemand. À côté des bijoux ou de l’art moderne, c’est surtout la présence de dix galeries dédiées aux arts « extra-occidentaux » qui devrait marquer les esprits. Enfin, et c’est une surprise, l’art contemporain fait son entrée.
Pour Éric Dereumaux, cofondateur de la galerie RX, à Paris, qui rejoint pour la première fois le Salon aux côtés du Parisien Christophe Gaillard, d’autres galeries d’art contemporain ne tarderont pas à suivre le mouvement – certaines ont déjà posé leur candidature pour l’an prochain. « Rester en dehors n’aurait pas de sens, estime Éric Dereumaux. Dès lors que je porte des événements dans des lieux historiques comme la Conciergerie, le mont Saint-Michel ou le musée Guimet, participer à Fine Arts Paris & La Biennale est un prolongement logique. Ne pas mélanger le contemporain et son histoire, c’est forcément faire une coupure là où il n’y en a pas. La curiosité ne se limite pas à un médium ou à une période, nous nous devons de créer des passerelles. »
Xavier Eeckhout, qui est entré depuis peu au capital de la société qui organise Fine Arts Paris et le Salon du dessin, rappelle que tous les atouts sont réunis à Paris, comme le démontrent l’ouverture récente de nouvelles antennes de galeries internationales dans la capitale, le succès de Paris+ par Art Basel, les spectaculaires résultats en France des ventes aux enchères de la collection Hubert de Givenchy chez Christie’s et de celle d’Al Thani, qui garnissait l’hôtel Lambert, chez Sotheby’s. Il confie, non sans plaisir, que la liste des candidatures pour l’édition 2023, qui se tiendra au Grand Palais Éphémère, à Paris, ne cesse de s’allonger. Un indicateur qui en dit long…
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Fine Arts Paris & La Biennale, 9-13 novembre 2022, Carrousel du Louvre et online, 99, rue de Rivoli, 75001 Paris.