La Fondation Giacometti disposera de 6 000 m2 dans cette ancienne gare construite pour l'Exposition universelle de 1900. Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme « Réinventer Paris 2 : esplanade des Invalides » de la Ville de Paris dont les lauréats sont Emerige et Nexity. Le site sera réaménagé par l’architecte Dominique Perrault, accompagné de L’architecte en chef des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier et du paysagiste Louis Benech. Catherine Grenier en présente les détails.
La Fondation Giacometti va s’installer aux Invalides. Quelle est la genèse de ce projet ?
Depuis longtemps, nous avons ce projet de musée en perspective. Nous avons concouru pour un autre emplacement, sur le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul [14e arrondissement] il y a trois ans, mais cela n’a pas marché. Après ce projet, notre conseil d’administration, très solidairement, nous a demandé de continuer nos recherches. La Ville Paris nous a accompagnés parce qu’elle souhaite l’implantation de la Fondation Giacometti de façon pérenne dans un lieu plus grand à Paris. J’ai cherché qui pourrait nous aider. J’ai rencontré les lauréats du concours « Réinventer Paris 2 » portant sur l’ancienne gare des Invalides qui a été longtemps occupée par Air France. Ils n’avaient pas d’opérateurs culturels pour ce projet et m’ont proposé que ce soit la Fondation Giacometti qui s’y installe.
C’est donc un projet que vous faites ensemble.
Oui, le projet est conduit par Emerige associé à Nexity et nous allons travailler avec l’architecte du projet, Dominique Perrault, et l’architecte en chef des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier, qui font partie de ce groupement lauréat.
Quels sont les espaces dont vous allez bénéficier ?
Nous allons disposer de tout le bâtiment où seront aménagés plusieurs espaces d’exposition, plus les commodités, l’entrée, la librairie, la boutique… Devant le bâtiment, existe une cour anglaise et sous l’esplanade des Invalides, des espaces qui sont actuellement occupés par un gymnase et des services de la Ville de Paris. Ces activités-là seront déplacées et nous y installerons notre école. Et puis, il y aura deux restaurants qui sont gérés par nos partenaires. Cela créera un complexe total, un lieu de destination. Nous aurons la moitié des espaces sous l’esplanade, et l’autre moitié restera à la Ville et au commissariat de police.
Quelle est l’échéance pour l’ouverture de ce lieu ?
Ce sera pour fin 2026, pour le 60e anniversaire de la mort de Giacometti. Le chantier débutera en septembre 2024. Tout le travail préparatoire sera fait en amont d’ici là.
Quand allez-vous dévoiler le concept architectural ?
Le projet de Dominique Perrault n’est pas encore finalisé. Nous n’en sommes qu’au début du projet. Nous avons beaucoup travaillé sur les questions fonctionnelles. Le projet architectural sera dévoilé en 2023. Nous tirerons le meilleur parti possible du bâtiment lui-même, et notamment de toutes ses fenêtres. Pour la sculpture, c’est extraordinaire d’avoir cet éclairage naturel. L’architecte en chef des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier a également réalisé toute une étude sur le bâtiment. Nous sommes accompagnés par le Studio Adrien Gardère pour les questions de muséographie.
Quel est le contour de ce projet pour la Fondation Giacometti ?
La collection de la fondation est extrêmement importante. Même lorsque des pièces sont prêtées à l’étranger et qu’une exposition est en cours à l’Institut Giacometti, il reste énormément d’œuvres dans nos réserves. La veuve de l’artiste a gardé absolument tout pour la fondation. Nous avons une collection exceptionnelle représentative de toutes les périodes de Giacometti [riche d’environ 10 000 pièces, ndlr], nous avons la possibilité de faire une rétrospective complète de son œuvre.
Un musée potentiel mais qui reste inexploité.
Nous avons beaucoup de sculptures en plâtre, des œuvres uniques, magnifiques, mais très fragiles aussi, que nous ne pouvons pas tellement faire voyager, certaines pas du tout. L’Institut Giacometti, c’est une façon d’avoir une vitrine de nos activités, de nos expositions. Très rapidement après mon arrivée, j’ai proposé au conseil d’administration de la fondation de penser à l’étape suivante, celle de disposer d’un musée et d’y présenter cette collection. L’Institut Giacometti est un laboratoire. C’est un très beau lieu mais de petite taille qui ne peut pas recevoir un public très large.
Comment s’articulera la programmation de ce musée ?
Les musées monographiques attirent énormément de touristes, c’est le principal de leur public, mais moins les visiteurs locaux. Pour y remédier, la proposition artistique ne sera donc pas seulement centrée sur Giacometti. Nous aurons plusieurs galeries d’exposition. La plus vaste d’entre elles proposera une grande rétrospective sur Giacometti, qui sera renouvelée régulièrement. Une autre, comme à l’Institut, sera consacrée à la relation entre Giacometti et d’autres artistes pour le rendre vivant. Et des espaces seront aussi dédiés au contexte de création dans l’époque de Giacometti, c’est-à-dire la période moderne et contemporaine. Nous y ferons des expositions thématiques ouvertes pour proposer une offre riche, variée. Cela permettra au public parisien de revenir. Notre ambition est de favoriser l’addition de différents publics. Nous aurons aussi beaucoup de conférences et de programmes événementiels associés.
La dimension muséale ne sera pas la seule…
Ce projet est un musée et une école. C’est donc un modèle un peu différent, et c’est l’esprit de l’atelier de Giacometti, que nous conservons, qui infuse finalement dans notre projet.
L’école sera sans sélection et sans diplôme, elle sera vraiment pour tous, du plus jeune âge au plus ancien. Et très pluridisciplinaire comme Giacometti lui-même. Ce sera une école de la créativité. Nous y dispenserons des cours aussi bien en sculpture, en peinture, en dessin mais aussi en photographie et en film, en céramique. Elle sera sans hiérarchie ni parmi les gens visés, ni parmi les disciplines abordées.
Existera-t-il aussi un volet images de synthèse et numériques ?
Oui. La constellation de Giacometti était faite de gens qui travaillaient toutes les disciplines. Chaque individu porte en lui une créativité, mais qui va plutôt s’exprimer à travers un médium ou un autre. Il faut pouvoir trouver le médium qui correspond à chacun.
Cette école sera-t-elle organisée en niveaux ?
Ce sera plutôt une école comme celles qui existaient à Montparnasse, sans niveau véritablement, mais en même temps proposant un accompagnement personnalisé. Au fil des ans, l’enseignement s’adapte de façon différente pour que chacun progresse à son rythme.
Quels seront les profils des professeurs ?
Nous recruterons des artistes, notamment des jeunes. Nous allons penser l’enseignement avec eux. L’idée, c’est que les artistes soient chez eux au musée comme à l’école. Ils vont nous aider à penser une forme d’enseignement peut-être moins classique. Le public bénéficiera d’une flexibilité et d’une fluidité qui correspond aux attentes d’aujourd’hui. Nous nous donnons le temps entre maintenant et l’ouverture pour vraiment penser l’enseignement, le concevoir avec des professeurs, des artistes, mais aussi avec des travailleurs sociaux. Nous voulons que ce soit une école de la créativité qui s’adresse à tous.
Que va devenir l’Institut Giacometti ?
Nous n’allons pas avoir deux lieux d’exposition de Giacometti à Paris. Notre projet est de conserver l’Institut en redéfinissant ses missions et le recentrer sur certaines activités. Nous avons à l’Institut beaucoup d’activités de pédagogie de quartier. C’est une sorte de lieu de proximité auquel nous sommes attachés
L’atelier de Giacometti va-t-il bouger ?
Oui, l’atelier viendra dans le musée parce qu’il est central dans le concept. C’est une ouverture à l’art et une merveilleuse entrée en matière, totalement incarnée.
Allez-vous conserver le siège de la Fondation situé dans le 6e arrondissement de Paris ?
Non, nous quitterons ce bâtiment acheté par Annette Giacometti parce que nous souhaitons, d’une part, regrouper nos équipes dans le musée et, d’autre part, parce que nous avons besoin de financement.
Quel a été le rôle de la mairie de Paris dans ce projet ?
D’abord, le bâtiment lui appartient. Le projet pour ce lieu des Invalides a relevé d’un concours de la Mairie de Paris. Et elle nous accompagne depuis longtemps dans notre recherche. La Mairie est consciente qu’il est très important que la Fondation et la collection restent à Paris. Comme nous proposons un autre modèle, nous arrivons pour compléter l’offre parisienne. Nous serons aussi bien sûr en lien avec les acteurs culturels et la mairie du 7e arrondissement.
La Mairie de Paris vous apporte-t-elle un financement ?
Pas directement mais son rôle dans la réhabilitation de ce site est essentiel.
Allez-vous devoir payer un loyer ?
Nous aurons un bail et nous allons payer un loyer. Et notre bailleur paiera lui-même un loyer à la Ville de Paris. Nous avons beaucoup travaillé à notre modèle économique.
Géographiquement, vous serez situés idéalement.
Ah oui, c’est fantastique. Non seulement parce que nous serons juste à côté du Grand Palais et du Petit Palais, mais aussi du musée Rodin. Or, nous avons un public commun avec cette dernière institution. Le musée de l’Armée à l’Hôtel national des Invalides attire énormément de visiteurs. Et nous serons tout près du musée d’Orsay. C’est magnifiquement situé, mais aussi c’est très facile d’accès avec les lignes de métro, énormément de bus, et le RER C qui dessert plus largement l’Île-de-France.