L’artiste Evaristo Baschenis fut rapidement oublié après sa mort, lui qui était resté mystérieux aux yeux du monde de l’art de son vivant même, malgré une éphémère célébrité. La véritable redécouverte du peintre date en réalité de 1908 lorsque le collectionneur belge Charles-Léon Cardon décida d’offrir au musée des Beaux-Arts de Bruxelles une nature morte d’abord attribuée à « François le Maltais », avant qu’une signature soit découverte sur la toile et sur laquelle on put lire : « Evaristus Baschenis F. ». Ce fut un moment clé pour cette œuvre jusque-là répertoriée comme « Anonyme du XVIIe siècle ». Elle rejoignit finalement la section dédiée aux artistes italiens. L’attention portée à Baschenis ne cessa alors de croître, portée par un intérêt de plus en plus grandissant à l’époque pour la nature morte.
Le succès semble avoir été bref pour ce maître lombard né en 1617 à Bergame et mort en 1677 dans la même ville. Aujourd’hui, seule une cinquantaine de toiles autographes ont été identifiées à travers le monde. Quelques œuvres sont actuellement conservées en Italie au sein de collections privées, ainsi que dans les deux institutions que sont l’Accademia Carrara de Bergame et le Museo Teatrale alla Scala de Milan. En France, aucun tableau du peintre – qui fut également ordonné prêtre – n’est conservé dans les collections publiques. La galerie Canesso lui rend aujourd’hui justice en l’exposant pour la toute première fois au public français – en collaboration avec les musées de Bergame et de Milan, prêteurs de certaines pièces.
De qualité muséale, cette rétrospective plonge les visiteurs dans une symphonie du silence orchestrée autour de neuf chefs-d’œuvre signés Evaristo Baschenis, dont le Triptyque Agliardi (vers 1665), toile maîtresse de l’exposition qui comprend aussi l’unique autoportrait connu du peintre. Ces peintures montrent l’amour profond que l’artiste – lui-même musicien apprécié de son temps – a nourri pour les instruments de musique tels que les luths théorbes, les cistres, les guitares espagnoles ou les épinettes et sa volonté de les mettre au centre de ses compositions. C’est à Michele Biancale, auteur en 1912 de la première étude sur le peintre, que l’on doit la qualification de « portraitiste d’instruments de musique ». Ces objets sont quasiment théâtralisés par Evaristo Baschenis qui employait la technique du vide à la perfection, les instruments semblant en lévitation dans des toiles alternant zones d’ombre et de lumière dans un espace atemporel.
Tous les tableaux rendent compte de la mélancolie qui succède à une séance de musique avec des instruments posés sur des tables, abandonnés par les musiciens et couverts de poussière ou de marques de doigts, portant les traces d’une présence humaine comme un symbole de la vanité. Ces œuvres qui entrent dans la catégorie de ce que l’on appelle communément la « nature morte » mais elles relèvent finalement de la vie.
« Evaristo Baschenis (1617-1677). Le triomphe des instruments de musique dans la peinture du XVIIe siècle », jusqu’au 17 décembre 2022, Galerie Canesso, 26, rue Laffitte, 75009 Paris, www.canesso.art