Les excellents résultats annoncés ces derniers jours par les trois plus importantes maisons de ventes mondiales ont de quoi surprendre au regard de la situation mondiale en 2022. Après deux ans de pandémie, la guerre en Ukraine a éclaté, avec ses répercussions mondiales, tandis que l’inflation s’installe dans de nombreux pays occidentaux, sans oublier les nombreuses tensions qui pèsent dans plusieurs régions du globe… Dans ce contexte, Guillaume Cerutti, le PDG de Christie’s, a conclu la présentation du bilan annuel, ce 19 décembre, en disant : « le marché de l’art semble parfois danser sur un volcan, et je ne veux pas que Christie’s semble oublier ce qui se passe dans le reste du monde ».
Avec un total de 8,4 milliards de dollars, Christie’s a progressé de 17 % en dollars cette année. Ses ventes privées ont augmenté de façon importante pour atteindre 1,2 milliard de dollars, inclus dans le total annoncé. Surtout, la collection du cofondateur de Microsoft, Paul G. Allen, a « pesé » pour 1,62 milliard dans le volume des ventes et explique à lui seul le bond du chiffre d’affaires. La dispersion de cet ensemble incroyable de chefs-d’œuvre, à New York en novembre 2022, la plus grosse vente de collection de l’histoire aux enchères, a entraîné une pluie de records, notamment pour des artistes tels que Georges Seurat, Paul Cézanne, et des envolées pour Gauguin, Klimt, Monet…
Dans un environnement qui « n’était pas le plus facile » en 2022, a souligné Guillaume Cerutti, Christie’s a notamment tiré son épingle du jeu grâce aux grandes collections, celle de Paul G. Allen en tête, mais aussi celle de Thomas et Doris Ammann, qui comprenait Shot Sage Blue Marilyn d’Andy Warhol vendu 195 millions de dollars, ou la collection d’Anne H. Bass qui incluait deux toiles de Mark Rothko, dont l'une est partie pour 66,8 millions de dollars.
Vente de la collection Macklowe en mai 2022 à New York. Courtesy Sotheby's
Dans un contexte incertain, les grandes collections, ajoutant une provenance prestigieuse aux qualités des œuvres, ont attiré plus que jamais les acheteurs et les grosses fortunes souhaitant placer au mieux leurs liquidités. Chez Sotheby’s, les collections ont également bien marché, en particulier la deuxième partie de la collection Macklowe, volet qui totalise 246 millions de dollars, pour un total de 922 millions de dollars vendu entre 2021 et 2022. Là, comme chez Christie’s, les garanties ont soutenu ces résultats… Sotheby’s a engrangé environ 8 milliards de dollars, un chiffre estimatif, dont 1,1 milliard de dollars pour les ventes privées. Soit un total en progression de 9,6 %. « La recherche de qualité a conduit en 2022 à une demande soutenue pour les chefs-d’œuvre blue-chip, que ce soit pour les spécialités établies ou les nouvelles catégories telles que les voitures de collection ou les collectibles », a confirmé Charles F. Stewart, PDG de Sotheby’s.
La maison de Patrick Drahi a fait des étincelles avec une Mercedes de 1955 qui a atteint 135 millions de dollars, record mondial aux enchères pour une voiture, ou avec White Disaster de Warhol vendu 85,4 millions de dollars. Toutefois, Sotheby’s inclut dans son bilan, apparemment pour la première fois, ses ventes de demeures privées aux enchères, ce qui n’est pas totalement négligeable sachant que l’une d’elles, en Californie, est partie pour 141 millions de dollars ! Christie’s précise quant à elle n'inclure ni voitures, ni immobilier.
Jean-Michel Basquiat, Untitled, 1982, acrylique et spray sur toile, 239,4 x 501 cm. Vendu 85 millions de dollars le 18 mai 2022 à New York. © Phillips
Phillips, quant à elle, peut se féliciter d’une année là aussi record, avec un total de 1,3 milliard de dollars, soit environ 30 % d’augmentation comparé à 2021. Mais cette hausse est aussi due à celle des ventes privées, qui bondissent de 20 % pour un total d’environ 250 millions de dollars. C’est cette année que Phillips a tapé son coup de marteau le plus élevé de son histoire, à 85 millions de dollars pour un Basquiat vendu par le milliardaire japonais Yusaku Maezawa. Phillips semble récolter les fruits de sa stratégie d’axer toutes ses ventes sur les XXe et XXIe siècles : 47 % de ses acheteurs sont de nouveaux clients de Phillips, que ce soit pour les ventes live ou online only, un taux nettement supérieur à ceux de Christie’s et Sotheby’s, des maisons multispécialités. Toutefois, reste à savoir si miser autant sur le contemporain reste la panacée alors que ce secteur risque de traverser une période de turbulences mondiales ces prochains mois…