John Chamberlain : Sculpture
« Laisser la folie s’exprimer à travers les matériaux. Plus de souci avec le style. On peut travailler à décrire sa propre folie », tel est l’un des principes par lesquels John Chamberlain disait avoir défini sa conduite. Plus qu’une simple réunion de pièces magnifiques, ce qu’elle est aussi, cette exposition est un vibrant hommage à l’artiste et une entrée dans son univers où la sculpture croise la peinture, le collage et la poésie. Se référant à Claes Oldenburg, Chamberlain considérait que la sculpture est affaire de souplesse et non de dureté. Dans sa façon de plier et de tordre les pièces de carrosserie et de travailler avec la palette de Detroit, il rejoint parfois l’art du céramiste, comme en témoigne cette sorte de fin bouquet de tiges d’acier. Une des pièces maîtresses de l’exposition est Papagayo, sans autre couleur que celle de l’acier galvanisé dont elle est faite et qui, apprend-on, appartint à Andy Warhol. Occasion supplémentaire de porter un autre œil sur cette œuvre unique et inclassable.
Du 20 octobre 2022 au 7 janvier 2023 [fermée les 23-24 décembre et les 30-31 décembre], Galerie Karsten Greve, 5, rue Debelleyme, 75003 Paris
William Wegman : Agility Conceptuelle / Significant Otherness
Nul n’est censé ignorer l’œuvre de William Wegman dont la série de portraits photographiques mis en scène de braques de Weimar (Man Ray puis Fay Ray), entamée il y a un demi-siècle, lui vaut une popularité sans équivalent pour un artiste conceptuel et pionnier de l’art vidéo. L’exposition, présentée en deux lieux sous le commissariat de Martin Bethenod, est riche en photographies et vidéos, mais aussi en Postcard paintings, ces tableaux dans lesquels Wegman pousse très très loin l’exercice consistant à construire une composition à partir d’une carte postale. Autour de ces cartes (principalement des vues touristiques mais aussi des intérieurs d’hôtels ou des motifs divers), il bâtit de grandes compositions soit en traçant de larges perspectives, soit en entourant lesdites cartes de motifs géométriques dans un esprit op art ou dans un style décoratif standard, ou comme une explosion de fenêtres sur quelque écran. On imagine un plaisir, et peut-être une fierté, derrière cette production picturale où l’artiste trouve aussi un moyen de s’effacer en partie derrière des images trouvées. Figurent aussi dans l’exposition des textes des années 1970 à aujourd’hui, parodiques, poétiques, vaguement théoriques, le plus souvent tapés à la machine et qui nous révèlent un Wegman véritablement préoccupé d’écriture.
Du 9 décembre 2022 au 28 janvier 2023 [fermée du 23 décembre 2022 au soir au 3 janvier 2023 au matin], Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, 33 et 36, rue de Seine 75006 Paris
Erik Dietman : Je n’ai pas vraiment de langue ni de style, tout ce que je fais sort de mon moi à moi, mois après mois
Bien que s’ouvrant sur trois fragiles colonnes surmontées chacune d’un crâne sur lequel un corbeau s’est posé, cette nouvelle exposition d’Erik Dietman est une explosion de joie. D’ailleurs, si les têtes de mort se retrouvent dans les dessins de petit ou de grand format (mais on y voit aussi des sexes et des sourires), c’est sans apprêt et sans drame, comme une manière naturelle de vivre avec nos peurs. Au cœur de l’exposition figure un genre de grand œuvre Opus, Oh puce, aux Puces, composé de 280 dessins double face, succession d’idées, d’inventions, d’obsessions peut-être aussi, qui montrent une pensée d’artiste au travail. Dans les dessins de grand format, se mêlent expérimentations avec l’eau ou la fumée, mélange des styles, des genres, esprit d’enfance, attrait pour les mythes et traits d’humour : comme un grand recueil d’humeurs, de sensations, et d’expériences. Bien sûr, une exposition de Dietman n’est pas concevable sans quelque machine à faire jouer les mots comme cette fois, une Presse à steak aztèque.
Du 26 novembre au 14 janvier 2023 [fermée du 23 décembre 2022 au soir au 3 janvier 2023 au matin], Galerie Papillon, 13 rue Chapon, 75003 Paris
Sung Tieu : Moving Target Shadow Detection
Moving Target Shadow Detection est un film hypnotique qui nous fait entrer et parcourir les couloirs de l’Hotel Nacional de Cuba, pénétrer dans l’une des chambres, apercevoir sur une table un dossier du Sénat américain classé confidentiel, distinguer sur l’écran de télévision Kamala Harris prononcer un discours, voir des jets de fumée s’échapper des grilles de la climatisation, avant de ressortir par la fenêtre. Les espaces parcourus sont tous déserts, et les images ont été filmées par un nano drone ainsi que par des caméras de surveillance, sans qu’il soit toujours possible de faire la distinction entre prises de vues réelles et reconstitutions par images numériques. La réussite du film, c’est de construire un scénario paranoïaque en une séquence de moins de vingt minutes, sans acteurs ni voix off, mais par la seule inspection d’un espace architectural et de quelques indices çà et là. Ce faisant, il renoue avec certains tours de force du cinéma expérimental en créant de l’intrigue. C’est après avoir séjourné à l’Hotel Nacional qu’un certain nombre d’agents des services secrets états-uniens ont contracté le mystérieux « Havana Syndrome » qui les a rendus inaptes au service et dont la réalité est contestée par les autorités de leur pays.
Du 10 décembre 2022 au 14 janvier 2023 [fermée du 23 décembre 2022 au soir au 3 janvier 2023 au matin], Fitzpatrick Gallery, 123 rue de Turenne, 75003 Paris