De l’avis général des visiteurs, l’édition 2023 d’artgenève, qui s’est ouverte aujourd’hui 25 janvier à Palexpo, le Centre des congrès de Genève jouxtant opportunément l’aéroport, est un bon cru. « Le niveau a monté, les exposants ont fait de gros efforts d’accrochage et de scénographie. Soit ils ont apporté de belles pièces pour les artistes historiques, soit ils présentent des stands parfois inattendus », confie un participant au salon.
Ainsi Gagosian, loin de l’aperçu parfois flashy de son écurie, consacre-t-il son stand aux céramiques minimalistes d’Edmund de Waal, artiste et auteur du Lièvre aux yeux d’ambre, et aux œuvres épurées de Theaster Gates. Dans un tout autre genre, Capitain Petzel dédie un white cube à une seule œuvre féministe d’Andrea Bowers, un néon récent baptisé Fight Like a Girl.
Sur son stand plus historique, Waddington Custot fait dialoguer Barry Flanagan, vedette cette année du secteur Estates de la foire, avec Serge Poliakoff, Sam Szafran, un beau Max Ernst de 1931 (à environ 700 000 francs suisses) ou une étonnante noix géante en terre cuite de Tapiès (pour 250 000 francs). « L’une des forces d’artgenève est d’avoir su réussir à composer ce "collage" de différentes périodes, d’œuvres aussi différentes, dans une même allée ou un périmètre de 50 mètres », résume Thomas Hug, fondateur et directeur du salon.
Parmi les stands les plus curatés figure indéniablement celui de la galerie parisienne Le Minotaure, dédiée aux avant-gardes. Une vraie démarche muséale a animé Benoit Sapiro, le directeur de l’enseigne, autour de la figure étonnante de la baronne d’Oettingen, mécène, artiste sous le nom de François Angiboult et aussi poète. « Une partie de la succession Serge Férat sert de socle à cette exposition qui intègre aussi des marionnettes de Marie Vassilieff achetées voici trente ans », précise Benoît Sapiro. Ces marionnettes réalisées à partir des années 1920 constituent l’un des points forts du stand. Tout comme certaines œuvres d’artistes gravitant autour de son cercle, dont un superbe autoportrait cubiste de Vladimir Baronoff-Rossiné de 1913 (à 300 000 euros), Talamus, une huile de Picabia de 1938 à la palette étonnamment contemporaine (390 000 euros), ou encore un patchwork textile de la baronne elle-même pour 70 000 euros. Le tout « incarne le passage historique des artistes de la Butte Montmartre et du Bateau-Lavoir à Montparnasse, transition vers l’art moderne », résume Benoit Sapiro.
Si la foire n’aligne pas forcément les plus grosses œuvres des artistes blue-chip, c’est finalement tant mieux pour les visiteurs qui peuvent les trouver sur d’autres salons et notamment à Art Basel, avec qui elle tisse indirectement des liens. Les exposants de Bâle retrouvent leurs clients à artgenève, où ils se décident souvent à acheter ! Les galeristes compensent en tout cas en présentant nombre de jeunes artistes sur leur stand, l’une des tendances de cette édition. « Une galerie établie se doit aussi de se renouveler. Il faut montrer qu’on avance », confie l’un des directeurs de la galerie suisse Eva Presenhuber. Outre Ugo Rondinone, à l’affiche du Musée d’art et d’histoire de Genève mais aussi du Grand Théâtre de la Ville où en avril il présentera ses scénographies, l’enseigne montre Louisa Gagliardi et ses œuvres réalisées par impression, ou les petits portraits de Sofia Mitsola. Revenue l’an dernier après une longue absence, Semiose a cédé le grand chien fluo d’Oli Epp accroché dans l’allée à une collection publique d’Europe de l’Est, ainsi qu’un grand tableau de Xie Lei représentant un homme en train de couler. Quant à la 193 Gallery, elle expose entre autres les œuvres cosmiques du Chilien Javier Toro Blum (8 000 à 12 000 euros H.T.). À un rythme suisse, les transactions commençaient à se multiplier en fin d’après-midi le 25 janvier.
Artgenève, 26-29 janvier 2023, Palexpo, Genève, Suisse.