Plus que toute autre ville au Maroc, celle de Marrakech a subi de plein fouet l’arrêt du tourisme et des activités artistiques depuis 2020, en raison de la pandémie de Covid-19. Après deux années de report, la Foire 1-54, sous la houlette de sa directrice, Touria El Glaoui, revient à point nommé. « Le fait d’avoir dû annuler à deux reprises nous a vraiment attristés, précise-t-elle. Avec l’aide de Christie’s, les deux éditions parisiennes se sont très bien passées. Les galeries africaines ont pu rencontrer de nouveaux collectionneurs, découvrir un autre marché, mais il était important de revenir à Marrakech. »
PEU DE GALERIES AFRICAINES
Cette quatrième édition, toujours organisée à La Mamounia, regroupe une vingtaine de galeries, dont douze nouvelles recrues. Parmi celles-ci figurent La Galerie 38, située à Casablanca, et la galerie ivoirienne Véronique Rieffel. En dépit de la participation de quatre galeries marocaines, la présence de structures originaires du continent africain fond comme neige au soleil. Alors qu’elles étaient six sur un total de dix-huit galeries lors de la première édition de la Foire au Maroc en 2018, quatorze sur vingt pour l’édition de 2020, elles ne sont plus que huit aujourd’hui. Les effets de la pandémie se font sans nul doute sentir, mais les barrières douanières freinent également les bonnes volontés. Les œuvres, qui entrent au Maroc sous un régime d’importation temporaire, doivent en effet retourner dans leur pays d’expédition avant d’être livrées à l’acheteur. « Il faut savoir que le formulaire de candidature est le même pour les trois Foires 1-54 (Londres, New York, Marrakech), explique Touria El Glaoui. Pendant la pandémie, certaines galeries du continent africain se sont engagées dans d’autres événements, comme Cape Town Art Fair ou ART X Lagos. Mais ce déséquilibre est compensé par l’arrivée de nouveaux venus, telle la galerie Templon, et par l’accompagnement de galeristes comme Cécile Fakhoury et Nathalie Obadia, qui tiennent à faire bouger les choses à Marrakech. » Faut-il, dès lors, parier sur la présence de nouveaux collectionneurs du continent ? « Depuis le lancement de 1-54, commente Touria El Glaoui, nous accueillons de plus en plus de collectionneurs marocains. Lors des éditions parisiennes, de nombreux acheteurs qui ne connaissaient pas la Foire de Marrakech ont manifesté leur intérêt. Nous avons reçu beaucoup de demandes d’informations sur la programmation. L’engouement est là. » Les premières participtions de plusieurs artistes, des plus renommés, comme Barthélémy Toguo, Kehinde Wiley ou Omar Ba, aux créateurs émergents tels que la Marocaine Mariam Abouzid Souali ou la Franco-Algérienne Maya-Inès Touam, permettront-elles, par ailleurs, de faire vibrer le marché ? Sans doute.
UNE PROGRAMMATION PUBLIQUE FOISONNANTE
Force est surtout de constater que le retour de 1-54 met en mouvement toute la ville de Marrakech, comme en témoigne une programmation publique et off des plus riches. Le palais El Badi offre ainsi une carte blanche à l’artiste marocaine Amina Benbouchta au sein de l’exposition « Le Corps spirituel et l’esprit charnel», qui réunit dix artistes autour du sacré, dont Fatime Zahra Morjani, Ilias Selfati ou Mohamed El Baz. Ce dernier envisage de réactiver, dans l’un des quatre anciens bassins extérieurs, sa performance Fuck the Death, au cours de laquelle des comédiens rasent des tapis traditionnels selon un mouvement répétitif proche de la transe. La Fondation Montresso met à l’honneur, dans le cadre de son programme In-Discipline, sept artistes africains-américains qui questionnent la notion de blackness : l’occasion de découvrir les portraits d’Ariel Dannielle, peintre influencée par les travaux d’Alice Neel et de Kerry James Marshall, ou les autoportraits de Fahamu Pecou, sortes de performances photographiques se jouant des codes du hip-hop. Le projet Malhoun 2.0 (du nom d’une forme poétique chantée trouvant sa source dans les anciennes corporations d’artisans), codirigé par Chahrazad Zahi et Phillip Van Den Bossche, en collaboration avec l’atelier Fenduq d’Éric Van Hove, propose une exposition collective au sein d’un espace qui ouvrira ses portes en 2024 dans le quartier de Guéliz. Intitulée « Les Promesses de l’empreinte », celle-ci rassemble des artistes phares de la scène marocaine, tels que Younès Rahmoun, M’barek Bouhchichi ou Khadija El Abyad, ainsi que des artisans de la région. «Nous nous contentons, explique la directrice de 1-54, de mettre en lumière l’énergie des divers espaces et plateformes qui sont en activité tout au long de l’année à Marrakech. »
La nouveauté de l’édition 2023 provient peut-être de la tenue, aux mêmes dates que la Foire, du premier Festival du livre africain de Marrakech, présidé par Mahi Binebine, qui permettra « d’organiser des discussions communes autour de la créativité du continent africain », conclut Touria El Glaoui. Un événement riche de mille et une promesses !
-
1-54 Contemporary African Art Fair, 9-12 février 2023, La Mamounia, avenue Bab Jdid, 40040 Marrakech, Maroc.