C’est un incroyable tour du monde que propose depuis peu à Marrakech le Monde des Arts de la Parure (MAP). Ce musée privé expose au cœur de la Médina, dans le quartier de la Kasbah non loin des tombeaux Saadiens, une partie de la collection de parures, ornements et bijoux réunie par l’avocat d’affaires suisse Paolo Gallone et son épouse antiquaire Marlène. Soit quelque 3 000 pièces sur un total d’environ 7 000 acquises depuis des décennies lors de voyages lointains, de la Syrie à la Mongolie, ou entre autres aux enchères. Par une étonnante coïncidence du calendrier, il a été inauguré presque en même temps que le nouveau musée national de la parure, ouvert en janvier 2023 à Rabat !
Cette ancienne maison de rabbin a été totalement réaménagée par le duo d’architectes Michel Carrière et Joseph Achkar, à la manœuvre récemment pour l’Hôtel de la Marine à Paris. Il a fallu cinq ans de travaux pour mener à bien cet ambitieux chantier, achever ce bâtiment discret sur trois niveaux couvrant 1 400 m2, qui reprend les codes marocains, briques en terre cuite et charpentes en cèdre massif, autour d’un puit de lumière octogonal. La visite se conclut sur le toit-terrasse, jardin suspendu agrémenté d’un bar.
Idéalement installé dans un pays très lié à l’art du bijou, le musée laisse entière liberté au visiteur de butiner de vitrine en vitrine, de scanner ou non les QR codes informatifs. Pour l’accompagner dans leur projet, le couple de collectionneurs a fait appel au spécialiste de la parure Alaa Sagid. Dans une scénographie légère et contemporaine, les parures sont posées en abondance sur des lits de cailloux sombres, tels des trésors découverts sur le lit d’une rivière asséchée. De discrets cartels guident de région en région : Mauritanie, Anatolie, Daguestan, Balkans, Chine, Russie, Maroc… Dessinant une « géographie des aires civilisationnelles » davantage qu’une « géographie des frontières » trop restrictive et artificielle, l’exposition permanente invite à redécouvrir les techniques du métal telles le niellé, l’émail ou le filigrane et à suivre en creux, de rubis en agate et de turquoise en corail, la route des échanges et celle des caravanes… Si la collection est centrée sur la parure, l’accrochage est complété par d’autres coups de cœur du couple : vêtements traditionnels du XIXe siècle, tentures brodées d’Inde du Nord aux traces de broderie en fil d’or, tenues de Samouraï ou encore deux pierres tombales sculptées chinoises Han datant de 200 avant J.-C. Grâce à cette présentation étincelante, Paolo Gallone « espère bien susciter des vocations de collectionneurs », conclut-il.