Conservées plus d’une soixantaine d’années, les œuvres du couple Szafran, dont une trentaine signée de l’artiste, font l’objet de quatre-vingts lots proposés à la vente par Sotheby’s dans la capitale française pour une estimation totale autour de 1,5 million d’euros. « C’est une vente hommage qui retrace l’évolution de [l]a carrière [de Sam Szafran] depuis ses toutes premières peintures jusqu’aux dernières, offrant un panorama complet de l’œuvre de cet artiste fascinant, dont un pan de l’histoire se lit aussi à partir de son entourage artistique », explique Guillaume Mallecot, directeur du département art contemporain chez Sotheby’s France. Parmi les lots phares se distinguent L’Atelier avec Lilette, pastel de 1974, estimé de 250 000 à 350 000 euros, ainsi qu’un autre portrait de la femme de l’artiste dans l’atelier, une aquarelle sans titre de 2019, année de la disparition de celui-ci, évaluée entre 70 000 et 100 000 euros.
« LEURS ŒUVRES HABITAIENT LEUR QUOTIDIEN »
Marginalisé par une partie de l’avant-garde « officielle », Sam Szafran (1934-2019) – né à Paris sous le nom de Samuel Berger – a récemment fait l’objet d’une intime et captivante rétrospective au musée de l’Orangerie. Peu exposé de son vivant, cet artiste, qui a échappé à la rafle du Vél’ d’Hiv en 1942, était mis à l’honneur par un parcours très cohérent. Cette reconnaissance tardive a permis de (re)découvrir son travail sériel et sa façon presque obsessionnelle de représenter des lieux clos et des thèmes qui lui étaient chers. Ainsi de son atelier de Malakoff, des cages d’escalier à partir de 1974 ou des verdoyants feuillages de philodendrons à l’ombre desquels sa femme, Lilette, assise dans un fauteuil, se camoufle généralement.
« Sorti de la nuit » – selon l’expression de Jean Clair, fidèle ami du peintre – par quelques collectionneurs curieux, mais avant tout par des galeristes tels Jacques Kerchache, Jeanne Bucher, Pierre Loeb ou Claude Bernard, Sam Szafran a pourtant été au cœur de la vie artistique et intellectuelle française de la seconde moitié du XXe siècle. « Génie incontesté de l’aquarelle, du fusain ou du pastel, cet artiste autodidacte a noué de grandes amitiés au fil du temps avec des figures comme Alberto Giacometti, Jean Paul Riopelle, Henri Cartier-Bresson, Roland Topor, Zao Wou-Ki ou encore Raymond Mason. Des artistes avec lesquels Sam et son épouse Lilette vivaient, leurs murs étant recouverts de leurs œuvres qui habitaient leur quotidien », souligne Guillaume Mallecot. Ainsi d’un Hibou-Pelle en bronze de Jean Paul Riopelle, fonte de 1971 (est. 35 000- 50 000 euros), d’une lithographie d’Henri Matisse de 1926 (est. 40 000-50 000 euros) ou encore d’un dessin d'’Alberto Giacometti (est. 18 000-25 000 euros). C’est surtout la première fois que des œuvres peintes issues de la collection personnelle du peintre sont mises à l’encan. En 2021 à l’Hôtel Drouot, la maison Giquello & Associés dispersait cinquante-deux objets d’arts africain, océanien et américain du couple pour 110 045 euros, tandis qu’en juin 2022, Piasa vendait une partie de leur bibliothèque, soit soixante-deux ouvrages totalisant 261 447 euros. Nul doute que les collectionneurs seront au rendez-vous, au regard des récentes adjudications de l’artiste chez Sotheby’s : par exemple, L’Imprimerie Bellini, pastel de 1972, a été vendu 876500 euros en 2019, le record de l’artiste, tandis que Plantes avec figure a atteint 617 500 euros en 2020.
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« Collection Sam et Lilette Szafran et leurs amis », 15 février 2023, Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris.