Esprit libre, le pionnier de la musique sérielle Pierre Boulez a toujours refusé de se laisser enfermer dans un dogme ou une école. Cet explorateur voulait décloisonner les disciplines sans pour autant souhaiter faire œuvre d’« art total ». Il aimait la création sous toutes ses formes, et s’en imprégnait. En témoigne la collection que dispersera Artcurial à Paris le 8 juin 2023 - tableaux, dessins et aquarelles.
Sa relation, intime, avec la poésie était connue : René Char lui inspire Le Soleil des eaux (1950-1965) ou Le marteau sans maître (1954), Henri Michaux, Poésie pour pouvoir (1958). Sa passion pour les arts plastiques l’était un peu moins. Pierre Boulez avait besoin de vivre autour de peintures ou de sculptures d’artistes qui, le plus souvent, étaient aussi ses amis. Paul Klee, en ce sens, a été une rencontre majeure : la richesse de la pensée artistique du peintre, sa logique, ont profondément influencé le compositeur qui, plutôt que de mettre des tableaux en musique ou illustrer des notes par des images, a cherché à percer le mystère de la création, transcender la relation subtile de l’artiste à son œuvre. Précurseur, il jette les bases des musiques aléatoires et électroniques lorsqu’il fonde l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM), inauguré en 1977 en même temps – ce n’est sans doute pas un hasard – que le Centre Georges Pompidou auquel il est rattaché. Son aventure musicale reflète ses goûts artistiques.
Parmi celles et ceux qui rythmaient son quotidien figurent une aquarelle de Paul Klee (est. 50 000-70 000 euros), un Portrait de Stravinsky (1957) par Alberto Giacometti (est. 30 000-40 000 euros), des gouaches sur papier ou sur bois de Maria Helena Vieira da Silva (est. 8 000- 12 000 euros et 40 000-60 000 euros) ou une encre et aquarelle sur papier de Zao Wou-Ki (est. 20 000-30 000 euros). Suivront les œuvres de Alejandro Otero, Jean Tinguely, Joan Miró, Arnaldo Pomodoro, Jean Cocteau, Philip Guston, Pierre Soulages ou encore Francis Bacon. Plus qu’une collection, cet ensemble résonne comme le souvenir d’un musicien guidé par l’art de son temps, ses notes et ses images.